C’était un cauchemar, ni plus, ni moins. Deux mois qu’il avait disparu et j’avais l’impression de devenir un peu plus dingue chaque jour. J’avais eu la chance, que dis-je, l’honneur de me retrouver face à ce fameux Eagle qu’il adorait tant et j’en étais ressortie avec bien plus d’interrogation qu’autre chose. Et la certitude que cette fois, la coalition n’était pas derrière sa disparition. Chaque matin, je me réveillais avec la sensation qu’il serait à nouveau là près de moi, et il y avait toujours cette fraction de seconde où…

J’oubliais qu’il n’était plus là…

Cette fraction de seconde où je m’attendais à le sentir de l’autre côté de mon lit…

Jusqu’à ce que mon cerveau capte, se réveille et me rappelle que non. Il avait disparu. Deux jours après notre mariage...Il avait juste...Disparu.

Et je n’étais pas le seul à qui il manquait, l’absence avait rendu l’un de mes fidèles compagnons à poil moins heureux, plus amorphe, tout aussi déprimé que je ne l’étais moi-même. Deux mois et j’étais sans nouvelle aucune. Chance pleurait son absence parfois et cherchait après lui ce qui venait me tordre un peu plus le coeur. J’avais envie de me noyer, j’avais envie de crever et la seule chose qui me tenait encore debout c’était l’espoir.

Comme la première fois, je me refusais à croire en sa mort si je n’avais pas vu son corps de mes propres yeux.

C’était à m’en rendre fou.

J’allais devenir fou...J’avais besoin de quelque chose pour éteindre tout ça.

C’était ironique de me dire qu’en cet instant, j’aurai aimé être un androïde, non éveiller, fait que de 0 et 1, ne ressentent absolument rien. Là tout de suite, cela aurait été moins douloureux.

Les jours défilaient, je faisais mon taff, j’avais arrêté de me noyer dans l’alcool à la première occasion malgré la douleur et quelque part je cherchais une façon d’éteindre tout ça. Après l’alcool, ça avait été le défilé des hommes que je ramenais à la maison en espérant de manière idiote que la jalousie le ramènerait auprès de moi. Mon dieu que j’étais un imbécile. Je savais pas où il était, je savais même pas s’il allait bien et pourtant que je sache, il avait probablement été capturé par les androïdes et si tel était le cas, il devait être mort mais parce que je ne me refusais d’y croire, l’idée alors qu’il puisse être en cage m’était tout aussi impossible à croire.

Ma vie n’avait plus vraiment de sens alors que je cherchais par tous les moyens d’attirer l’attention d’un homme que j’avais épousé et dont je portais le nom mais qui avait tout simplement disparu.

M’avait-il abandonné ?

Il m’arrivait de le croire parfois.
L’ennuie quand on ne connaît pas la vérité c’est qu’un millier de scénario se fait dans notre tête.

Il m’arrivait parfois d’avoir l’impression de le voir dans la rue, de crier après lui et de me rendre compte après coups qu’il s’agissait d’un sombre inconnu qui ne lui ressemblait même pas.

J’allais vraiment devenir dingue.

On peut aimer jusqu’à la folie, j’en étais la preuve vivante.

Mais j’étais là, je faisais mon taff. Peut-être même avec plus de conviction, je prenais peut-être même plus de risque pour protéger l’un ou l’autre ou aider l’un ou l’autre. Le danger, une autre façon d’attirer son attention peut-être ? Après l’alcool, les hommes, j’en venais à prendre plus de risque pour tenter d’étendre mon territoire de neutralité au-delà des quelques rues du quartier du The Haven. Ca m’avait valu de rentrer avec quelques blessures, rien de bien grave pour le moment mais j’étais clairement sur un terrain glissant à prendre de plus en plus de risque.

Qu’est-ce que j’espérais ? Qu’il allait apparaitre comme un putain de preux chevalier sur son foutu cheval blanc pour me sauver les miches au moment où j’en aurai le plus besoin ?

Putain...Je faisais vraiment pitier…

Et ça allait être quoi après pour espérer le voir réapparaitre comme par magie ?

Je l’ignorais mais je savais que j’étais prêt à tout…

C’est en fouillant une énième fois ses affaires chez moi que cette envie m’a traversé les idées, me rappelant de nos conversations, de nos disputes, de ces moments gâchés à se crier dessus plutôt que de s'aimer en sachant à quel point notre temps était compté. Cette idée aussi idiote que destructrice m’avait amené à suivre les routes qu’il avait pris avant moi, à rencontrer les gens qu’il avait probablement rencontré avant moi. A dépenser de l’argent comme il l’avait fait bien avant moi. Je profitais de mes connaissances des rues de Detroits pour me trouver un endroit discret lorsque j’imitais un geste qu’il avait lui-même répété de nombreuses fois en cachette.

Et là…

Il n’y eut pas d’apparition mystique ou magique, aucun Jake, aucune belle et magnifique retrouvaille. Il n’y avait toujours que moi mais...Tout c’était estomper…

Comme un tableau sur lequel on verse de l’eau, mes sentiments s'étaient dilués pour me laisser une étrange sensation de légèreté et une étrange nouvelle énergie. Je pouvais entendre mon cœur battre dans mes oreilles, le voir dans mes yeux et j’avais l’impression d’être soudainement délesté de tellement de choses que je pourrais presque voler de légèreté. Je reniflais, me frottait le nez et ranger le reste dans la poche intérieur de ma veste avant de reprendre la route.

Je n’allais pas chez moi, c’est ce que j’aurai du faire mais ce ne fut pas le cas. M’aventurant dans les rues, je faisais ce que je faisais de plus en plus souvent dans le quartier. Jouer la milice, m’assurer que tout allait bien. Je me sentais presque neuf, je me sentais presque invincible. Je me sentais pousser des ailes. Je n’étais pas heureux, mais je n’étais plus malheureux. Certainement aveuglé par le poison dans mon corps. Je me battis ce jour là, persuader de faire le bien dans mes rues, persuader de mettre dehors un connard qui ne respectait pas les règles du quartier en s’en prenant gratuitement à un androïde qui y avait trouvé refuge sans avoir à partager les idéaux radicaux de Markus.

Et j’eus certainement de la chance que la drogue ne me fit pas halluciner...Moins face au combat car je pris un coup des coups assez sévère. J’allais peut-être crever là sous les coups de ce mec qui m’insultait pour avoir aider un androïde.

Le plus drôle dans tout ça…

C’est que je ne sentais toujours rien...

J’avais mis tant d’énergie à plus rien ressentir et maintenant que c’était fait, maintenant tout semblait éteint, c’était étrange. Je ne cherchais même pas à me protéger des coups que je recevais, tant et si bien que j'ai fini le nez en sang, une entaille à l’arcade sourcilière et une autre à la bouche. Je crois même m’être mordue la langue avant d’entendre une autre voix au loin. J’étais allongé sur le sol, dos contre celui-ci lorsque je vis apparaître Wil’ dans mon champ de vision. Je me laissais porter avec l’étrange sensation d’être entouré de coton. Je comprenais pourquoi mon mari s’était si facilement laissé devenir accroc à la red. C’était puissant, en un rien de temps, plus rien ne semblait avoir d’importance. Pas même la vie à dire vraie.

Jake...Souffrais-tu à ce point ?

Malgré ma présence ? Malgré mon amour pour toi ? Tu souffrais autant que ça ?

J’avais été si aveugle. Je m’en voulais, j’avais jamais vraiment chercher à comprendre ce qui le poussait autant vers cette drogue, parce qu’à mes yeux nous nous avions et que cela aurait du suffir non ?

Il n’était plus là.
Je priais chaque jour pour qu’il me revienne mais il n’était toujours pas là.

J’entendis à peine la question de Wil, c’était lointain, je la comprenais, j’avais la réponse en tête mais j’avais l’impression que lui répondre était inutile, dénuée d’envie. Je n’étais pas vraiment là, encore obsédée par cette idée que même la douleur physique semblait avoir disparue.

"Il y avait..." je cherchais autour de moi l’androïde que j’étais venu aider à la base, me rendant compte qu’il n’était plus là depuis longtemps ?

Avait-il fuit ? Wil’ avait-il aidé ? Bon sang, c’était comme si le monde autour de moi fonctionnait en accéléré et que moi, j’étais bloqué au ralenti. Poussant un soupire, je me laissais mollement secouer par mon meilleur ami qui cherchait à capter mon attention. Poser mes yeux directement sur lui me demanda un sacré effort, j'esquissai un sourire, mes dents tachées de sang et de salive.

"Je dois les protéger" répondis-je enfin.

A défaut de ne pas avoir su protéger celui que j’aimais du plus profond de mon être, j’avais pris la décision de protéger le quartier, autant que je le pouvais. Comme si je pouvais chasser à moi seul les extrémistes de l’un ou l’autre camp.

"Je dois les protéger..." répétais-je comme un mantra.

Je ne répondis pas grand chose à sa remarque ayant encore du mal à savoir si j’étais debout ou si j’étais encore allongé. La sensation était tellement étrange qu’elle me donnait presque envie de rire. Comme le simple fait que je n’étais même pas capable de sentir mes propres blessures que je pouvais très facilement deviner le goût métallique de mon propre sang dans ma bouche. Lorsqu’il m’aida à me relever, j’en déduisis que j’étais donc encore allongé. Il me demandait où je l’avais eu et je crois qu’en guise de réponse, j’ai haussé les épaules avant de laisser passer quelques secondes pour répondre.

"Je connais la rue."

Et c’était vrai. J’avais probablement passé autant de temps dans la rue qu’en dehors quand j’y repense. Je connaissais les coins et les recoins de Detroit tout comme je connaissais ceux qui vendaient et ceux qui achetaient. Nombreux étaient les gens qui finissaient SDF à cause de la drogue ou de l’alcool. Je n’avais fait partie d’aucune de ses deux raisons mais je suppose qu’il fallait un début à tout.

Nous avancions lentement, probablement parce que je tentais de lui résister pour essayer de trouver l’androïde que j’étais initialement venu aider avant de me faire éclater la gueule. Coopérant à avancer dans la même direction que Wil’ lorsqu’il m’informait qu’il lui avait filé une adresse, qu’il était en sécurité, que je n’avais plus à m’inquiéter. Protéger...Les protéger. Cette idée m’obsédait tellement que je me rendais même pas compte que la répétait encore et encore.

Jusqu’à ce qu’il me demande qui me protégeait moi ?

"Personne"

Une part de moi savait que c’était probablement ingrat de ma part de dire cela à celui qui venait de me sauver les miches et qui était également celui qui m’avait sorti de mon calvaire des prisons androïdes. Mais cette partie était enterrée sous l’effet de la Red. M’adossant lourdement au mur de mon propre bar le temps pour lui de l’ouvrir et de m’y jeter à l’intérieur. Je m’allongeais de tout mon long sur la banquette, mes yeux fixant le vide alors que je profitais de cette étrange quiétude où tout semblait être entouré de coton.

Je pouvais malgré tout sentir son regard sur moi et lentement, je posais mes yeux dans les siens. Et je pouvais la voir, cette déception dans son regard.

"Pourquoi tu restes ?" lui demandais-je avec toute la sincérité du monde, exacerbé par la drogue qui coulait dans mes veines. "Je vois à quel point je te déçois…" murmurais-je en essayant de me redresser, ne réussissant qu’à rouler sur le côté et tomber de la banquette sur laquelle j’étais installé. Cela me fit rire de tristesse et de pitié également.

"Je sais que tu le hais..."

Je tentais de me relever en m’appuyant sur la banquette, mon équilibre étant plus que précaire.

"J’aimerais le détester...Ca rendait les choses plus simples mais je peux pas...J’y arrive pas... Je l’aime à en crever... Je veux juste...Que ça s’arrête"

J’en avais honte. Je crois.

"Je veux que ça s’arrête. Wil ! Fait que ça s’arrête ! Je veux savoir ! Je veux le revoir ! Je vais en crever ! Je veux que ça s’arrête Wil...Fait que ça s’arrête, je t’en supplie...Aide moi."

Submerger par les larmes, en quelques seconde je faisais encore bien plus pitié. Sanglotant et suppliant pour ne plus avoir à ressentir cette putain de douleur au fond de mon coeur.

"Pardon... Je sais" murmurais-je dans un sursaut de lucidité.

Même sous l’influence de cette merde que pouvait être la red, j’avais été capable d’entendre que je venais blesser mon meilleur ami. Celui qui était un frère pour moi et à la seconde où j’en avais été conscient, je m’étais excusé avec toute l’humilité qu’un homme dans ma condition pouvait faire preuve.

C’était étrange, j’avais l’impression de pouvoir quitter mon corps pour me regarder de loin, me regarder et me dire à quel point j’étais pitoyable, à quel point je faisais pitié et surtout à quel point je ne méritais pas un ami comme Wil’. C’était insupportable de me voir ainsi, presque autant que j’avais déjà envie de reprendre de cette merde pour pouvoir éteindre ce petit monologue dans ma tête.

Je tombais bien bas.
Je tombais encore et encore dans l’espoir que Jake me rattrape ou peut-être, à l’inverse, que je retrouve Jake en bas.

Retrouver mon petit coin de paix ne m’en procurait aucune, allonger sur la banquette, à nouveau à terre, j’étais incapable de coordonner mes membres et je retrouvais rapidement toute la profondeur de ma douleur et de ma tristesse. J’étais qu’une sombre merde, un imbécile incapable d’avancer sans l’homme qu’il aimait. Quand est-ce que j’étais devenu autant accroc à cet homme ? Quand est-ce que c’était devenu vital pour moi de l’avoir à mes côtés ? J’en pouvais plus et j’avais besoin que ça se termine. Les sentiments soudainement exacerbés par le poison que j’avais inhalé.

Retrouver les bras de Wil’ me calma pourtant, assez pour que je l’entende. Loin de mesurer la portée des paroles de mon ami.

"Rien" Répondis-je soudainement las. "T’as le droit de ne pas l’aimer..." Oui, il avait le droit, je ne lui avais jamais demandé de l’adorer en réalité. "Pardon..." je ne voulais pas le faire culpabiliser.

Au fond, ce n’était pas à cause d’une stupide inimitié entre mon meilleur pote et mon mari que ce dernier avait disparut. Jake ne m’aurait pas abandonné.

Je ne comprenais pas en effet, je ne comprenais pas pourquoi tu devenais aussi sérieux, pourquoi tu semblais soudainement aussi mal. Avais-je dis ou fait quelque chose ? Ma tête tournais, les effets de la red était encore bien présente et j’avais l’impression que cela distordait le temps. Le rendant parfois rapide, parfois extrêmement lent, tout se mélangeait et se superposait tellement que j’avais vraiment beaucoup de mal à suivre. Tu t’éloignais de moi en me laissant dans l’incompréhension la plus totale.

Jusqu’à ce que tu prononces ces quelques mots.

J’ai fait une connerie...
Ces mots, comme un interrupteur, fait accéléré mon coeur anormalement. J’ai la sensation qu’une partie de moi est capable d’anticiper ce que tu vas me dire alors que l’autre hurle "Ta gueule" pour ne pas avoir à entendre la suite. Ça va faire mal, je le sens, c’est comme être au milieu d’une route à regarder un poid-lourd me foncer droit dessus. Ça va faire mal. Ça va faire très mal.

La suite de ton récit...Arrête le temps.

Mon regard est dans le vide alors que j’encaisse la nouvelle. J’ai l’air si calme vu de l’extérieur et j’ai même l’impression d’avoir quitté mon propre corps, d’être capable de nous voir tous les deux dans ce bar. Je ne réagis absolument pas, les yeux morts, la peau livide. Y a-t-il une personne sur terre que j’ai aimée qui ne m’ait pas brutalement blessé ?

Est-ce que je suis destinée à me faire trahir par tous ceux que j’aime ?

Je devrais me mettre en colère, je devrais le mettre en pièce mais c’est comme si le choc m’avait soudainement dépouillé de toute ma force, de toute mon énergie, je ne suis même plus capable de pleurer. C’est à peine si je suis encore vraiment là.

Bobby...Wil...Ces informations arrivent jusqu’à moi mais c’est à peine si je suis capable de vraiment les enregistrer ou plutôt je suis pas vraiment conscient que mon cerveau les enregistre. J’ai juste envie de crevé je crois, c’est beaucoup trop à encaisser.

"Je te crois" dis-je, la voix morne, dépouillée de toute vie.

Oui, tu regrettais, ça je pouvais le croire.

"J’ai choisi Jake" dis-je sur le même ton mort "Et en prenant cette décision...Tu m’as enlevé mon libre arbitre...Tu as choisi à ma place."

Je me levais, tant bien que mal, m’appuyant à tout ce qui me passait sous la main alors que je m’approchais de toi.

"Où est-il ?" lui demandais-je "Wilfried...Où est mon mari ?"

Mais avant que je ne l’atteigne, je me sentis partir. Le monde semblait être à l’envers. Je sentis ma tête cogné violemment le sol avant que ça ne soit le trou noir.

Là sur le sol, le corps d’Aedan était pris de spasmes, peut-être avait-il trop prit de cette red ou que le choc émotionnelle mélanger à celle-ci entraînait une réaction en chaîne sur l’homme qui voulait tant mourir. L’un comme l’autre, sur le dos, Aedan chercha à vomir, s’étouffant dans sans propre régurgitation alors qu’autour de lui les trois chiens aboyaient de paniques.

Son père...Bobby...C’était de nouvelles informations que j’enregistrais avant de sombrer dans l’inconscience. A combien de personnes avais-je accordé ma confiance à tort ? Avais-je eu raison de me perdre dans un combat que je croyais juste ? Qu’avais-je gagné en retour au final ? Me faire poignarder dans le dos, ni plus, ni moins. J’avais enduré bien des choses pour les androïdes, persuadé que leur situation n’était pas normale, qu’ils méritaient la liberté, j’avais fini en prison, torturé, violé, et ce cauchemars m’avait poursuivi jusque dans leur propre prison.

Tout ça pour quoi ?
Pour qui ?

J’en avais assez, j’avais cru faire le bien et tout ce que je récoltais était que l’homme que j’aimais se retrouvait littéralement en enfer. A quel moment pourrais-je encore cautionner ça ? Comment pourrais-je encore accorder ma confiance ?
Inconscient des spasmes de mon corps, j’avais pourtant très fortement envie que le noir qui m’entourait en cet instant ne disparaisse jamais.

Je voulais disparaître...Je voulais ne plus avoir à ressentir tout ça.
Je voulais mourir.

Un bip régulier…
Une lumière aveuglante…
Et lorsque j’ouvre enfin les yeux c’est pour découvrir une pièce aseptisée. Il me faut plusieurs minutes pour prendre réellement conscience de ce qui m’entoure. De qui je suis, d’où je me trouve. A l'hôpital, un cathéter dans le bras, relié à une perfusion. J’ignore de quoi et suppose que c’est pour m’hydrater. Portant une main jusqu’à mon visage, je me protège de la lumière du jour qui filtre par la fenêtre.

Qu’est-ce qui s’est passé ? J’avais déjà la réponse. Je ne prenais jamais de drogue et j’avais probablement exagéré la dose de ma première prise. Ou mon corps avait voulu répondre à mes envies suicidaires.

Mon regard le trouve, à mon chevet, et je m’en détourne presque aussitôt.

"Qu'est-ce que tu fous encore là ?" sifflais-je alors que je tentais de me lever. J’avais sérieusement envie de pisser, ou c’était juste un prétexte pour m’isoler et ne pas avoir à affronter la douleur de la trahison maintenant que j’étais sobre.

"Je crois que tu as dit tout ce que tu avais à dire hier soir. Je sais pas ce que je t’ai fait pour que tu me fasse ça mais il aurait été moins cruel que tu me laisses crever dans mon bar...Maintenant que tu es assuré de me voir souffrir, tu peux dégager."