Start off on the wrong foot  @Jake Price

Déjà un an que je suis à CyberLife, certes, ma position en son sein n'est pas très glorieuse mais je ne plains pas, j'ai encore l'occasion de faire mes preuves. J'aime mon travail, ça oui. J'agis au département de l'humanisation de l'androïde, je pense que je n'aurais pas pu être mieux placé. Je me définis comme créative, j'apprécie tout ce que touche au design et à l'invention.

Néanmoins, CyberLife a ses inconvénients, on en attend beaucoup de moi. L'adaptation à ce nouveau mode de vie a été difficile au départ, intérieurement, je crie cette injustice. Ne peuvent-ils donc pas reconnaitre mon aptitude naturelle et mon travail acharné ? La persévérance dont je fais preuve chaque jour pour me faire remarquer devient épuisant. Il faut se rendre à l'évidence, si mes activités portaient leurs fruits, je serais déjà gradé. Que je suis naïve de m'imaginer un parcours de rêve, à la place je suis un simple employé qui est peu visible voire invisible. Certains de mes collègues ne daignent pas à fermer leur clapet lorsqu'ils se font gradés à un rang supérieur. Ils bougent à peine le petit doigt et usent de l'influence de leur connaissances pour qu'on leur ouvre la voie ; que c'est minable.

Cela me rappelle que mon jumeau ne fait pas la fine bouche non plus...Moi, je ne veux rien recevoir de quiconque, papa et maman ont beau me proposer, tout ce que je veux, je veux le mériter : devise personnelle. Si Léandre préfère jouer les lèche-bottes, qu'il en soit ainsi mais je refuse qu'il m'entraine dans ses magouilles. Comme mon fiancé se plaît à le dire : "si tu laisses les autres t'ouvrir la porte, tu finiras par oublier comment le faire ". Ethan est une personne très encourageante, j'aurais abandonné plus d'une fois s'il n'avait pas été là. Je  pourrais faire une thèse entière sur celui qui partage ma vie mais là n'est pas le but.

Pendant que je suis sur le petit balcon à l'extérieur de l'entreprise, un café à la main — peu appétissant— je regarde autour de moi. Il n'y a pas grand monde, à cette heure ce n'est pas étonnant. Certains, tout comme moi, profitent de la vue ainsi que l'air frais pour se ressourcer. Mon oreille siffle lorsque j'entends une voix masculine bougonne un peu plus loin : "Foutues machines!.. je vais en avoir pour une semaine à régler cette putain de défaillance …". Malheureusement pour cet homme, je ne suis pas du genre à faire profil bas, il n'est pas si loin de moi alors je rétorque sans hésitation.

— Et "foutus Hommes" n'est-ce pas ? Il aurait été souhaitable que nous réglerions d'abord les systèmes défaillants de notre espèce ; en commençant par l'empathie... dis-je tout en buvant une gorgée de mon café.

Ce brunet, je ne l'ai jamais aperçu, je m'en souviendrais. Sa cigarette à la main et son allure m'agace d'ores et déjà. Les yeux levés vers le ciel, je fais mine de rien, non que je n'assume pas mais je n'ose pas lui montrer le sourire en coin qui se dessine sur mes lèvres. Je préfère éviter que cette situation ne s'aggrave quoique j'ignore si j'ai agi avec réserve.

Start off on the wrong foot

Une réponse de sa part ne m'étonne pas, il porte une nouvelle fois cette chose cancérigène à sa bouche. Quoique j'ignore si boire du café à chacune de mes pauses est une meilleure alternative. Je me contente de soupirer, que fais-tu Diane ? pense-je. Le goût du défi me tente, je veux répondre à nouveau. Cet homme m'a l'air perturbé, comme beaucoup j'aime dire que l'erreur est humaine bien que je me torture à ne pas en faire. À l'entendre, je suppose qu'il se charge des changements de pièces et biocomposants des androïdes. J'ignore si cela s'avère être complexe, à vrai dire, mon poste me convient à ravir et je ne me vois nul part ailleurs.

Je m'avance vers lui à petit pas, je ne veux pas paraitre trop audacieuse, que va-t-il penser ? Une fois à une distance adéquate pour pouvoir parler de véritable conversation j'objecte :

— Vous avez été plutôt explicite donc je crois avoir une idée du problème mais voyez-vous je pense que celui-ci ne vient pas de la machine mais plutôt de celui qui à le rôle de s'en occuper. L'androïde ne fait que subir vos traitements, s'il y a une personne que vous devez blâmer, c'est vous.

Ma respiration s'accélère durant une fraction de seconde, j'ignore pourquoi. Cet homme a vraiment une aura particulière, comme ci on ne se sentait pas en sécurité près de lui raison pour laquelle je m'écarte légèrement sans que cela ne semble trop étrange. En reprenant une gorgée de mon café, je me rend compte que celui-ci est étrangement froid, je vais finir par croire que c'est l'atmosphère glaciale qui en est la cause.

— Ce n'est qu'un constat, ne vous méprenez pas, mon but n'est pas d'être désobligeante. rajoute-je pour éviter tout quiproquo.

Je ne souhaite pas être âpre ou sarcastique, on dit souvent de moi que je suis de bon conseil. Pour créer une proximité, j'hésite à lui demander par quel nom on l'appelle. C'est étrange n'est-ce pas ? J'ai la vague impression d'avoir été désagréable pourtant là n'était pas mon but. Finalement, je me lance, je n'ai rien à perdre ; je suppose.

— Puis-je poser un nom sur votre visage ? demande-je en toute cordialité.

Mon dieu, dans quoi me suis-je de nouveau embarqué ?

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Je ne m'attendais pas à autant d'audace de sa part. Il ne semble pas apprécier mes remarques et puis-je le blâmer pour cela ? Je suis même étonné qu'il n'ait pas encore tourné les talons. Je ne suis pas contre un petit affrontement immature en réalité, jouer à "qui est le plus fort", ça me plaît bien !

— Détendez-vous mon cher collègue, je ne cherche qu'à vous aider, rien de plus. déclare-je malicieusement.

Certes, je joue un peu avec lui, j'avoue que ça m'amuse. La plupart du temps, les gens me remercient pour les conseils avisés que je leur donne ; je suis déçu qu'il le prenne aussi mal. On dit souvent de moi que je suis trop franche et que je parle sans filtre. Certains voient ça comme un défaut mais je ne suis pas une menteuse, si quelque chose me tourmente, je le dis. La franchise peut-être blessante mais toujours porteuse de bonnes recommandations.

Jake Price donc. Jamais entendu ce nom-là. Il me retourne la question, je suis étonné que cela l'intéresse, quoique j'ai fait de même alors je réponds franchement.

— Diane Robert, ​enfin plus pour longtemps mais loin de moi l'idée de vous raconter ma vie monsieur Price.

Je n'ai qu'une hâte, devenir officiellement Diane Evans. Etrangement, j'ai toujours pensé que je finirais ma vie vieille fille. L'amour ne m'a jamais rien auguré de bon, je trouvais cela tellement futile ; un sentiment qui n'amenait que douleur et chagrin. C'est surement la seule fausse opinion que j'ai eu de mon existence. Quand j'ai vu Ethan, je me sentais comme une autre personne, comme-ci tout était possible.

J'ignore si Jake Price connaît l'amour étant donné son caractère bien trempé. Peut-être est-il marié, je l'ignore ; les apparences sont souvent trompeuses. Mon opinion sur lui diverge, je le trouve à la fois très curieux et très agaçant, reste à savoir laquelle de ces deux perspectives je garderais en tête.

Start off on the wrong foot

J'ignore pourquoi il attise autant ma curiosité. Il est inexplicable pour moi d'exprimer ce que je ressens à ce moment précis ; cet homme ne m'inspire aucunement confiance mais son attitude insupportable me donne envie de creuser un peu plus sur qui il est. Son regard malicieux me donne des frissons pendant un court instant et je détourne le regard.

Cela devait sans doute faire plusieurs années qu'il était au service de l'entreprise, plus longtemps que moi en tout cas. Je me rappelle de mon premier jour comme-ci c'était hier, j'étais si heureuse et j'ai vite trouvé ma place ici. En y repensant, j'ai rejoint CyberLife il y à peine 1 an, il est sans doute malvenu de ma part de lui donner des conseils. Je n'ai pas pour habitude de me remettre en question, je déteste être dans le tort. Loin de moi l'idée de le reconnaitre devant lui en revanche, quelle honte cela serait.

— Soit...me contente-je de dire.

Je n'ajoute rien, je n'ose pas mais il est hors de question que je me dégonfle pour autant. Je ne fuis pas et je reste droite dans mes bottes, tenant fermement ce café qui doit être glacé à présent, aussi glacé que l'atmosphère. J'inhale l'air frais un bon coup, regardant face à moi ; je n'ai pas envie de croiser son regard. Je suis persuadé qu'il va tourner les talons mais non. Il ne tarde pas à me demander dans quel secteur je travaille.

— Humanisation et apparence de l'androïde. dis-je avec froideur.

Il écrase enfin sa cigarette qui dégage une odeur si forte que je retiens ma respiration durant quelques secondes. Du coin de l'œil, je le vois m'observer et je n'apprécie pas du tout cette allure. J'imagine ce qu'il peut penser de moi et cela m'angoisse un peu, comme-ci son avis était important. Pourquoi est-ce que je me sens comme cela ?

— Y-a-t-il quelque chose qui vous déplaît tant dans mon apparence pour que vos yeux me regardent de haut en bas ? demande-je alors que je me tourne vers lui en serrant les dents.