Eli venait de terminer son service du matin et avait décidé d’aller se balader un peu. Alexander ne rentrerait pas avant ce soir et tout le ménage était déjà fait. Il avait donc tout le loisir de faire ce qu’il voulait et ce qu’il voulait en cet instant, c’était aller au par cet s’y promener tout en admirant la nature et en observant les gens qui s’y trouvaient. Il aimait bien faire ça, regarder les gens et leur imaginer une vie sans doute totalement différente de la réalité. Oui, Eli pouvait avoir beaucoup d’imagination, parfois. Il ne savait même plus combien de fois il était déjà venu ici, mais chaque jour était différent, à chaque fois, il découvrait quelque chose de nouveaux. Et puis, le parc n’était pas pareil selon la saison ou la météo. L’atmosphère pouvait changer du tout au tout. Un jour, il proposerait à Alexander de l’accompagner pour une petite balade, tous les deux. Il voyait souvent des couples ici qui se tenaient la main et même si l’androïde ne comprenait pas grand-chose à tout ça, il savait qu’il avait envie de faire pareil. Il avait envie de tenir la main d’Alexander, qu’il aimait communément appeler « son humain ». Alors qu’il marchait tranquillement, regardant autour de lui, il aperçut un écureuil près d’un arbre. Un grand sourire de gamin se dessina sur ses lèvres alors qu’il approcha du petit animal. Eli adorait les animaux, surtout les animaux mignons, comme ce petit écureuil. Malheureusement, lorsque l’animal le vit, il commença à se sauver.

Eli, comme le grand enfant qu’il était, s’était mis à le suivre – ou à essayer de le suivre. C’était vif, ces petites bêtes ! Ce fut comme ça qu’il se retrouva non loin d’un banc sur lequel était assise une petite fille. Elle était toute seule et elle avait vraiment l’air triste. Eli l’observa quelques instants, puis regarda autour de lui pour voir si quelqu’un ne venait pas chercher la petite. Mais il n’y avait personne en vue. Les enfants, ça devait rire, s’amuser, profiter de cette innocence qui ne durerait pas éternellement. Alors pourquoi cette fillette affichait une telle expression ? Eli ne pouvait pas juste passer son chemin. N’écoutant que son cœur, il décida donc de la rejoindre pour essayer de lui remonter le moral. Mais avant ça…il fila rapidement auprès du marchand de glaces le plus proche qui vendait des glaces dans le parc et en acheta une au chocolat. Tous les enfants aimaient la glace au chocolat, non ? Le pauvre Eli était loin de se douter que cette petite fille n’était pas humaine. Il approcha donc d’elle et s’arrêta juste devant elle avant de lui tendre la glace en souriant. « Tiens ! C’est pour toi ! Tu avais l’air triste, alors je me suis dit qu’une glace te remonterait le moral ! » Et comme il n’avait pas envie de juste partir, il décida de s’assoir à côté d’elle. « Je m’appelle Eli ! Et toi ? » Se présenter était toujours un bon début. « Qu’est-ce que tu fais ici toute seule ? » Peut-être avait-elle perdu ses parents ? Si tel était le cas, Eli se ferait un plaisir de l’aider à les retrouver. Encore une fois, il était tellement loin de la réalité.

Eli ignorait qu’il avait fait une bourde en offrant cette glace à la fillette. Mais à cet instant, il ne savait pas qu’elle était une androïde. Il n’avait jamais vu d’androïdes enfants, après tout. Et il avait cru bien faire, se disant qu’une glace lui remonterait le moral. Dans tous les cas, elle l’avait prise, mais elle ne semblait pas vouloir y toucher. Lorsqu’Eli se présenta, il fut surpris de la voir sortir un tableau effaçable de son sac pour y inscrire son nom. Elle était muette ? C’était trop triste, ça ! Était-elle née comme ça ou était-ce dû à un traumatisme ? A une maladie ? Un accident ? Les causes étaient nombreuses. Malgré la surprise, Eli lui adressa un nouveau sourire. « Alice ? C’est un joli prénom ! Comme Alice aux Pays des Merveilles ! » Sans doute qu’on lui avait déjà souvent fait le coup, mais qui ne le ferait pas ? Et puis, Eli aimait l’histoire d’Alice. La fillette lui dit alors que ses parents discutaient plus loin et désigna deux personnes. Eli fut une nouvelle fois surpris. Il pouvait bien imaginer que la femme était la mère de la fillette, mais l’homme ? Après, peut-être qu’elle avait été adoptée ou quelque chose du genre. De toute façon, l’important, c’était l’amour qu’on recevait. C’était tout ce qui comptait ! « Oh, je vois. J’espère qu’ils ne vont pas s’énerver parce que tu parles à un inconnu…Mais promis, je suis gentil ! » On lui aurait probablement donné le bon dieu sans confession, de toute façon. « Tu n’aimes pas les glaces ? » Il devait bien constater qu’elle n'y avait toujours pas touché et qu’elle commençait à fondre. « Tu vas t’en mettre sur tes vêtements ! » Ce serait embêtant. Mais Eli ne pouvait pas la manger, c’était évident.

« Je suis désolé si j’ai choisi un mauvais parfum ou si tu es allergique ou je ne sais quoi. Vraiment désolé ! » Il ne voyait que cette explication. Il n’envisageait toujours pas le fait que cette petite fille puisse être une androïde. « Mais pourquoi tu avais l’air si triste, tout à l’heure ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour t’aider ? » Que pourrait-il bien faire ? Il ne la connaissait même pas. Mais il voulait au moins essayer.

Cette petite fille l’intriguait tout de même. Il avait envie de savoir pourquoi elle ne parlait pas, pourquoi elle avait l’air triste et pourquoi elle ne mangeait pas la glace qu’il lui avait donnée. Mais pour l’heure, il la complimenta sur son prénom en faisant référence à l’œuvre de Lewis Carroll. Il fut plutôt content d’avoir suscité une réaction puisqu’elle lui indiqua qu’elle adorait ce livre. Eli esquissa un doux sourire. « Moi aussi, je l’aime beaucoup ! J’aimerais bien rencontrer un lapin un jour et le suivre jusqu’au Pays des Merveilles ! Mais un pays où il n’y aurait pas de méchante reine qui veut décapiter tout le monde ! » Il parlait comme un gamin, mais au fond, il en était sans doute un. Après tout, cela ne faisait pas si longtemps qu’il était déviant et il en apprenait encore tous les jours. Et puis, il était quelqu’un d’un peu enfantin de base. « Il y a d’autres histoires que tu aimes ? » Au moins, ça leur permettrait peut-être d’avoir un petit sujet de conversation en attendant le retour des parents de la petite fille. Cette dernière n’avait toujours pas touché à sa glace et quand Eli l’interrogea à ce sujet, elle ne répondit pas. C’était étrange. Avait-elle peur de le vexer ou un truc du genre ? Alors qu’Eli l’observait, il vit la glace commencer à fondre et à couler le long des doigts d’Alice. « Ah ! Tes doigts ! » Il fouilla dans sa poche et y trouva un mouchoir en tissu, par chance. Il en avait souvent un sur lui, se disant que ça pouvait être utile en cas de tache, justement. « Donne-moi la glace. Je vois bien que tu ne veux pas la manger. Mais ce n’est pas grave, tu sais. Je suis juste désolé de m’être trompé… » Il récupéra la glace, puis, de sa main libre, commença à nettoyer la main d’Alice. Une fois fait, il se leva et décida, à contrecoeur, de jeter la glace à la poubelle. Elle était déjà un peu fondue, il ne pouvait pas la donner à quelqu’un d’autre comme ça. Il revint ensuite vers Alice, s’installant à nouveau près d’elle. Ses parents semblaient vraiment avoir une longue conversation. Alors, il finit par lui demander pourquoi elle était triste. Bien sûr, elle resta très vague dans sa réponse. Pourquoi s’était-il attendu à autre chose ? Elle ne le connaissait pas, elle n’avait aucune raison de se confier à lui. « Et je suppose que tu ne veux pas me dire ce que c’est ? Je sais très bien écouter les gens ! Et je sais garder les secrets ! » Comment gagner sa confiance ? En lui disant un secret sur lui-même ? Peut-être. « Je vais te dire un secret sur moi. » Il se pencha vers son oreille et souffla : « Je suis un androïde. Il se recula et sourit doucement à la petite fille. Généralement, les enfants trouvaient les androïdes « trop cools », alors ça aiderait peut-être à briser un peu la glace ? En espérant évidemment qu’Alice ne fasse pas partie de ceux qui avaient peur des androïdes ou qui les détestaient.

Même si la petite fille ne parlait pas, Eli aimait sa compagnie, il aimait échanger avec elle, surtout si ça lui permettait de penser momentanément à autre chose, de se changer les idées. La voir triste ne plaisait pas du tout à l’androïde qui s’était donné pour mission de lui remonter le moral, même juste un peu. Parler d’Alice au Pays des Merveilles semblait déjà aider un peu. Mais il était tout de même un peu déçu de devoir jeter la glace et ce, sans avoir obtenu la moindre explication de la part de la petite fille. Il ne se doutait toujours pas qu’elle était comme lui, au fond. Il avait beau être un androïde, il ignorait encore pas mal de choses de ce monde et il ne connaissait pas tous les modèles non plus. Quoiqu’il en soit, il lui demanda s’il y avait d’autres livres qu’elle aimait. Il sourit à sa réponse. « Oh, vraiment ? Je l’ai lu aussi ! J’ai beaucoup aimé ! Et j’avoue que ça donne super envie de traverser une armoire ! » Il lâcha un petit rire. Entrer dans un monde magique et enchanté à travers une armoire…c’était sans doute un peu le rêve de tous les enfants, même les grands enfants. Au fond, c’était ce qu’était Eli. Pas tout le temps, mais il arrivait qu’il ressemble vraiment à un enfant de par ses réactions, sa façon d’être, tout simplement. C’était sans doute ce qui le rendait attachant, dans un sens. Et puis, il adorait les câlins aussi.
Après avoir jeté la glace, il finit donc par avouer à Alice qu’il était un androïde. Et là, ce fut la surprise totale. Alice lui dit que…elle aussi ?! Eli la regarda avec de gros yeux et fut incapable de réagir pendant de longues secondes, comme s’il était victime d’un bug. Alors que non. C’était juste le coup de la surprise. Vraiment ? Des androïdes enfants existaient ? C’était…incroyable. Se reprenant tant bien que mal, il se mit à dévisager un peu trop la pauvre Alice qui devait probablement se sentir assez mal à l’aise à cet instant. « Je…Désolé ! Je ne m’y attendais pas ! Je n’ai jamais vu d’androïde comme toi. C’est incroyable ! » Et puis, ça expliquait la glace. « Tu aurais dû me le dire tout de suite. Ah ! Tu as dû me trouver bien con avec ma glace ! » Il rit, gêné, se passant la main dans la nuque. « Mais…pourquoi tu ne parles pas ? Tu es cassée ? » Ouch. Était-il trop direct ? Il ne pensait toutefois pas à mal, au contraire. Mais c’était tout de même étrange pour un androïde de ne pas parler. A moins d’avoir un souci technique quelconque. « Dis…je peux te faire un câlin ? » Oui, il sortait ça comme ça, de nulle part.