I will always love you

Il était tôt, trop tôt pour se rendre au travail. Bien trop tôt pour se balader dehors à une heure pareille et avec cette météo qui tournait à l'orage. Seule dans la rue, Taylor marchait d'un pas rapide dans le Nord de la ville. Son but ? Trouver Hank et lui dire ce qu'elle ressentait pour de bon... Sans déconner ? On ne va pas se mentir... Sa conversation avec Wilfrid la veille y était pour quelque chose, à tel point qu'elle n'était pas parvenue à fermer l'œil de la nuit. À tel point qu'elle cavalait à trois heures du matin sous une pluie battante, proche de l'hypothermie et qui s'en foutait à un point... Choper la mort ? Qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? C'était le cadet de ses soucis, parce qu'elle n'avait que trop traîné. Depuis Décembre il devrait le savoir ! On est en Avril, et elle n'a jamais été foutue de lui dire un simple Je t'aime Hank ? Vous lui direz, lui non plus, à cause de son sale caractère et de bien d'autres raisons obscures mais elle ? Quel était ce motif ? Aucun... elle n'en avait pas. Et elle n'en était pas fière du tout. Parce qu'elle avait trop tardé. Parce qu'elle n'était plus capable de faire fi de tout ce qu'elle avait dans la tête et sous le nez. Elle devait rectifier le tir avant qu'il se lasse d'elle.

Deux rues plus loin, elle parvenait à sa destination. Tremblante comme une feuille à cause du froid et de son maigre manteau qu'elle portait sur ses épaules, elle soupira et pesta dans sa langue maternelle avant de s'avancer fissa vers la porte et de tambouriner comme une tarée, comme si elle vivait là et qu'elle avait oublié ses clefs. Oh elle avait vite dessoulé hein ! Ça se voyait dans ses yeux qu'elle ne plaisantait plus. Exit ce sourire que Wil affectionnait beaucoup. Il n'y avait là que deux choses : la détermination et la rage au ventre. Elle donnait des coups de poings alors qu'il y avait une sonnette. Elle venait de réveiller Sumo qui hurlait à la mort derrière cette porte. Si bien que le lieutenant fut le suivant à rappliquer. Le bruit de la pluie qui frappait le bitume l'empêcha d'entendre ce qu'il pestait, mais lorsque ce dernier ouvrit la porte, déstabilisé de la voir ici en pleine nuit, Taylor ne lui laissa pas le temps de dire un mot. Elle n'avait qu'une seul objectif, une seule chose à prononcer, Et même si sa rage venait de se transformer en peur panique, elle respirait fort la blonde, observant son homme bourru dans les yeux. Je t'aime... je t'aime putain, finit-elle par lui avouer alors que son corps était sur le point de lâcher prise.

I will always love you

La pluie tambourinait de plus belle tandis que la blonde avouait son amour profond et réel pour cet homme, à ce lieutenant de police bourru bien stop souvent délaissé les joies de ce type. La surprise se lisait sur son visage tellement il ne s'attendait pas à la voir débarquer ici aussi tôt, mais est-ce qu'il en avait quelque chose à faire hein ? Lorsqu'il vint la rejoindre sur le palier de sa porte, tenant sa belle par la taille et lui rendant ce je t'aime qui sonnait si vrai dans ses oreilles. Elle eut un léger fou-rire avant qu'il ne l'embrasse sur le coup de l'émotion. Taylor entoura sa nuque de ses bras et se colla davantage à lui. Elle était rentrée depuis quatre jours sans avoir pu le croiser à la brigade. Parce qu'il était occupé, et parce qu'elle devait des comptes autant à Fowler qu'à North. Tu m'as tellement manqué... Parvint-elle à lui souffler entre deux baisers. Toute cette pression, tout ce stress qu'elle gardait au creux de son échine s'était comme volatilisé. Elle se sentait si bien...

Mais la réalité la ramena bien vite face à sa plus grosse bourde de la matinée : sa santé physique. Taylor avait fait le chemin à pied, directement depuis Monica Street, sous une fichue pluie diluvienne et avec un manteau si fin qu'il ne couvrait rien sur ses épaules. Et malgré la présence de son homme contre elle, l'australienne ne parvenait pas à récupérer un peu de chaleur. Alors ce qui devait arriver... finit par arriver. Elle eut un frisson gigantesque, à tel point qu'elle dut se reculer de Hank pour se frotter les bras. Ses lèvres tremblaient, et cette saleté de pluie qui continuait de tomber ! Elle commençait à voir trouble, peut-être parce qu'elle n'avait rien avalé depuis le déjeuné du midi ? Et on ne pouvait pas dire que sa consommation d'alcool au The Haven suffisait à la stabiliser. Ainsi, son regard croisa celui du lieutenant, qui eut tout juste le temps de la rattraper alors que la blonde défaillit dans ses bras, inconsciente.

I will always love you

(réf) J’aurais pu m’attarder... J’aurais pu m’attarder à écrire une quantité de poèmes sur chaque personne et leur chagrin, leur façon d’exprimer leur peine. J’aurais pu te parler de toutes ces fleurs et de leur éclatante couleur, du doux parfum des roses blanches et du lys. J’aurais pu te parler de ton corps que j’ai eu peine à reconnaître, de tes lèvres noires tachées de sang, de tes mains bleuissant... Des traits de ton visage où on pouvait lire toute la souffrance que tu as subie durant ta courte agonie. J’aurais pu te dire à quel point ta peau était blanche, que ton corps était froid maintenant que la vie n’y est plus. J’aurais pu te parler de l’ambiance pesante lors de la veillée, ainsi que des quelques mots échangés. J’aurais pu te retranscrire toutes ces petites phrases pleines d’émotion et de tristesse et la difficulté pour les prononcer.

J’aurais pu te parler de ces mots inaudibles, de ces phrases inachevées fondues dans les sanglots. J’aurais pu te donner un millier de détails, des yeux rouges emplis de larmes, des poings crispés, des regards dans le vide, des difficultés parfois à supporter le poids de son propre corps et des personnes pour les aider. J’aurais pu te décrire toutes ces larmes versées qui jonchaient le sol, créant de véritables flaques, te dire ce que cela faisait de sentir bouger le banc au rythme des sanglots et des spasmes. J’aurais même pu faire rimer tout ça, faire de ce poème de beaux vers, enjôler tous ces mots de douceur pour finir par un sourire triste et des larmes de joie. Oui, j’aurais pu m’attarder... Mais à quoi bon Mamie Nata, tu n’es plus là. (réf)

Elle se réveilla en sursaut la blonde, troublée par le cauchemar dans lequel elle s'était retrouvée. La mort de sa grand-mère, dans ce putain de cercueil. Et elle, vêtue de noir et pleurant à chaudes larmes. Le prêtre qui récitait un poème improvisé par un membre de sa famille... Elle y était, elle sentait la chaleur du Soleil d'Australie, comme si elle n'était jamais partie. Elle prit le temps de s'asseoir, constatant qu'elle était dans le salon de Hank Anderson, sur son canapé même. Une couverture l'avait réchauffée. Son dernier souvenir ? Ce baiser sous la pluie. Le reste... elle ne s'en souvenait plus. Son regard se posa d'abord sur Sumo qui dormait au pied du canapé, et proche d'elle ? Son homme qui la regardait.

I will always love you

Taylor ne s'en était pas rendue compte, mais en se réveillant en sursaut, elle avait fait tomber son mec par terre sur les fesses. Il avait même pesté ! Mais ce n'est pas arrivé à ses oreilles. Elle divaguait un peu, recroquevillant ses jambes contre son torse, le regard perplexe et observant Sumo qui lui, devait se moquer d'elle à tous les niveaux. Au moins, il ne lui aboyait pas dessus ! Proche d'elle, le lieutenant lui demanda de ne pas bouger. Elle ne dit rien, préférant se concentrer sur sa respiration et ainsi oublier ce qu'elle venait de revivre à cause du froid. Et puis, une délicieuse odeur de café s'échappa de la cuisine. Elle leva le nez vers Hank qui revenait vers elle avec un bol fumant ainsi qu'un muffin. C'était pour elle. Quelle délicate attention.

▸Merci...

Elle laissa le muffin pour l'instant et avala une bonne gorgée de café. Elle sentit le liquide se faufiler dans sa gorge. Un frisson la parcourut, elle se sentait bien mieux ! Ses mains serraient fort le bol, de peur qu'elle ne le renverse sur elle mais aussi sur la couverture prêtée par son homme.

▸Je suis restée inconsciente longtemps ?

Tels furent les premiers mots de la blonde. Savoir combien de temps elle avait passé sur ce simple canapé dans les vapes. Elle regarda par delà la grande fenêtre du salon. L'aurore... au moins deux bonnes heures à priori. Mais elle voulait en avoir le cœur net. À quoi bon ? Était-elle larguée à ce point ? Comme si elle avait oublié ce pourquoi elle était là ? Ce qu'elle avait dit à Hank sous cette pluie battante ? C'était difficile à dire, pas tant qu'elle ne reprenne des forces avec ce café et ce muffin. Elle s'en saisit finalement et prit une bouchée. De la myrtille...

I will always love you

Deux heures... c'est ce que son esprit lent et endolori lui avait gentiment soufflé. Au moins, elle ne se sentait pas à l'agonie mais quelque peu retournée de son expérience psychologique. Elle buvait son café et prenait tout son temps pour manger ce muffin que Hank jugeait d'industriel. Il n'avait pas à se justifier ! C'est elle qui devrait être châtiée d'être venue sans un appel.

▸Je mangerai n'importe quoi Hank.

Elle prit une autre bouchée et regarda l'homme se faire un café pour lui. Elle n'avait pas le tonus de discuter et tenir de longues conversations pour l'instant, préférant se détendre et mettre de côté le trouble qui continuait de lui faire du mal malgré tous les efforts à ce que ça ne le soit plus. Alors elle attendit que Hank revienne et ainsi profiter de sa présence à ses côtés. Ce dernier ne l'avait plus revu depuis un moment ! Puisque la belle avait eu fort à faire dès son retour d'Australie.

▸Je suis rentrée le 31 au soir comme prévu. Je pensais avoir un peu de répit au bureau mais Fowler m'a donné tellement de dossiers que j'en avais par dessus la tête ! J'ai beaucoup cavalé en dehors de la brigade qu'on a jamais pu se croiser. Et je ne te parle pas de toutes ces heures supplémentaires...

Elle marqua un temps de pause. Elle ne mentait pas l'analyste ! Le capitaine n'a pas hésité à la surcharger de dossiers dès son retour dans l'open-space. Bien entendu, elle n'avait pas encore relaté sa rencontre avec le duo de choc ! Park et Hwang, deux inspecteurs qu'elle trouvait extrêmement louches malgré leur complicité et leur grade.

▸Et bien, le fait d'avoir marché depuis Monica Street vers chez toi sous une pluie battante peut-être ?

Elle s'en voulait d'avoir procédé de la sorte, mais ce qui est fait est fait. Elle termina son bol de café qu'elle déposa sur la table basse et puis, sans demander l'avis du lieutenant, elle vint se blottir dans ses bras, en faisant attention qu'il ne renverse pas son propre café. Ce serait bête qu'il se brûle par sa faute ! Déjà qu'il a fait une chute quand elle a émergé...

▸J'ai rencontré deux phénomènes le jour de mon retour. Les inspecteurs Hwang et Park. Tu les connais bien il paraît...

Taylor avait volontairement laissé sa question en suspend. Est-ce que son vieux mec allait pousser un juron comme il en avait l'habitude ? Ou simplement lui expliquer ce que ces deux gars-là valaient à ses yeux ? Qu'importe ce qu'il allait lui dire dans le fond... Elle s'en méfiait, comme de la peste noire. Comme si ce duo se trimballait quelque chose de néfaste qu'elle allait devoir découvrir le plus vite possible.

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Hank marquait un point. La blonde aurait pu lui demander de l'aide pour ses dossiers en cours. Mais elle ne voulait pas le déranger, il devait certainement en avoir jusqu'au cou lui aussi. Elle haussa donc les épaules en terminant de boire son café. Et à la réponse sur ce qu'elle foutait à Monica Street, c'est avec une certaine lassitude qu'elle lui fit un simple rappel.

▸J'habite là-bas, tu te souviens ?

Il devait certainement avoir oublié ce détail. Qu'importe dans le fond... Ça n'avait pas d'importance. Une fois dans ses bras, elle se laissait envahir par la chaleur corporelle du lieutenant qui était aux petits soins pour elle. Taylor se sentait bien, jusqu'à ce qu'elle vienne à parler de Park et Hwang. Crispation et juron, comme à son habitude. Il s'agissait-là de leurs supérieurs à tous les deux ! Mais de là à croire qu'ils auraient pu l'ennuyer et même lui faire du mal ? Il poussait le bouchon un peu loin. Il fallait le lui dire gentiment.

▸Calme-toi... Non, ils ne m'ont rien fait. Ils faisaient leur boulot, même si on dirait un vieux couple parfois ! Ils sont gentils...

Ouais... gentils ? Elle n'en croyait pas un mot l'australienne. Elle soupçonnait quelque chose chez ces garçons un poil plus vieux qu'elle. mais de là à mettre le doigt dessus ? Elle en était loin. Il faudrait vraiment qu'ils fassent une énorme erreur comme la Blue Diamond Tour pour qu'elle les prenne sur le fait. Elle n'en dit pas plus et repensa à sa surcharge de travail à la DPD.

▸Je pense que je vais vraiment avoir besoin de ton aide pour mes dossiers. Fowler me surestime bien trop. Il ne se rend pas compte de la surcharge de travail. C'est à peine si j'ai le temps d'aller à la salle de sport avec la pile que j'ai !

Est-ce qu'il savait que Taylor se rendait chaque soir au Fem Fatale pour onduler son corps et maintenir ses abdos sur une barre de pole dance ? Elle allait très vite le savoir. Il est vrai qu'il ne savait pas tout de sa chérie, de son amour comme il aimait lui rabâcher. Mais puisqu'elle avait pris la décision de le suivre partout où il irait, elle allait devoir faire l'effort de lui dire les choses. Comme ses hobbies par exemple ?

I will always love you

Hank allait lui donner un coup de main, mais aussi en toucher deux mots à Fowler. Elle n'allait pas se faire prier, même si la consigne du couple était de la jouer discrète au sein de la DPD. Personne ne devait savoir que ces deux-là sortaient ensemble ! Du moins pas pour l'instant. Elle acquiesça donc, repensant à ce que son homme avait dit sur le fait qu'elle aurait pu prendre un taxi depuis Monica Street au lieu de cavaler par ce sale temps. Oui... Elle aurait dû même ! Mais Taylor avait eu besoin d'évacuer ses tourments.

▸Ne te gêne pas pour lui dire les choses...

La blonde profitait de la hiérarchie du lieutenant pour le laisser agir en son âme et conscience. Oh ! Elle savait très bien se défendre, mais puisqu'un charmant bel homme se dévouait pour la cause, elle n'allait certainement pas insister. D'autant que les disputes de Anderson et Fowler valaient bien le détour. Le bon vieux couple par excellence ! Un gros cliché qu'elle avait retrouvé entre Alexander et Gabriel le matin de son retour à la brigade, mais en moins flagrant car pour l'heure, ils étaient trop jeunes ! Atteindre le niveau des deux autres allait être un sacré défi oui ! Et puis l'australienne parla de son principal hobby. Le sport, suite à quoi Hank s'interrogea immédiatement sur ce que Taylor pouvait pratiquer en dehors de ses obligations.

▸Je fais de la pole dance au Fem Fatale. Viens me voir un de ces jours ! Je serais enchantée de te proposer une petite danse privée. Rien que toi et moi...

Elle les avait chuchoté ces derniers mots, et en se rapprochant davantage de son lieutenant de police. Elle dégagea couverture et serviette qui glissèrent au pied du canapé. La blonde n'avait plus froid, mais sa petite tête trop pleine n'avait plus envie de réfléchir. Elle mit ses bras autour de la nuque de son homme et l'embrassa sensuellement, avant de lui glisser dans le creux de son oreille une proposition qu'il ne pouvait pas refuser.

▸J'ai pas envie d'aller travailler ce matin. Et toi ?

Le message était clair. Taylor n'escomptait pas monter dans la voiture de police. Ne pas toucher à son terminal. Ne pas ouvrir le moindre de ses dossiers. Son cellulaire resterait éteint. Ext les consignes de North ! Elle ne voulait rien faire, rien entendre des autres... Il n'y avait que Hank et elle sur ce canapé. Et peut-être plus s'il parvenait à lire dans ses yeux ce qu'elle voulait qu'il lui fasse...