Qu’est-ce qui s’était passé ? Il avait encore du mal à le comprendre. Ces deux derniers mois avaient été un véritable cauchemar et celui-ci semblait avoir prit fin. D’abord l’Etat, on l’avait privé de liberté mais également de dignité, être accusé de terrorisme et plus encore d’avoir aidé des androïdes...C’était largement suffisant pour justifier de la torture. Son corps en gardait encore les stigmates et la douleur était tellement présente qu’il se demandait si elle partirait un jour. Et quand ce n’était pas les êtres humains, ce fut les androïdes qui prirent le relais. Ils avaient voulu libérer certains des leurs et dans la foulée, ils l’avaient capturer. Il était prêt à mourir, à dire vrai, il voulait mourir.

Mais il avait été libéré.

Marchant difficilement dans les rues de détroits, il s’était éloigné. Il faisait nuit et il faisait froid, terriblement froid. Il était frigorifié, tremblant de la tête au pied mais il continuait d’avancer jusqu’à ce qu’il arrive à la bonne adresse. Là devant lui, la maison du lieutenant Hank Anderson.

"Chance..." appela-t-il d’une voix tellement faible que c’était à peine audible. Pourtant, de l’autre côté de cette porte, non loin de Sumo, le berger allemand avait relevé la tête, ses oreilles droites et fixe. Il se releva sur ses trois pattes et se dirigea vers l’entrée pour renifler sous celle-ci. Il semblait reconnaître une odeur et rapidement il se mit à japper, à s’agiter devant la porte et à réclamer à sortir.

De l’autre côté, à l’extérieur, Aedan avançait lentement le long de l’allée. Arrivant devant la porte, il s’accrocha d’une main contre le mur alors que l’autre tenait ses côtes. Il avait mal, il avait froid, il avait faim. Relever sa main pour frapper à la porte lui demanda beaucoup d’énergie et d’effort. Trois coups, faible et Chance de l’autre côté commença à aboyer.

"Je suis là" murmura-t-il

La fatigue le poussa à s’appuyer sur la porte, ne réfléchissant au fait que lorsqu’on lui ouvrirait, il chuterait de l’autre côté sans pouvoir se retenir.

Il avait entendu la voix de Hank mais il n’avait plus la force d’y répondre. Il sentit son corps basculer et sa vision périphérique semblait avoir un effet de recul. Il fut retenu de justesse par un bras et son corps frissonna à sentir un peu de chaleur humaine le réchauffer. Il s’accrocha avec peine à ce bras et au manteau de Hank pour tenter de se redresse légèrement mais les jappements inquiets de Chance le poussa plutôt à tendre une main vers lui.

"Hey...Ca va...Je suis de retour..."

L’animal avait envie de sauter sur son maître, la queu fouettant l’air mais il semblait comprendre que son propriétaire n’aurait pas la force de le retenir alors il se contenta de lécher et mordiller les doigts à sa portée. La voix d’Aedan laissa entendre un petit rire heureux de retrouver son compagnon à trois pattes alors qu’il se redressait du mieux qu’il pouvait pour faire face à Hank. Lorsqu’il fut enfin debout, ses pieds, il acquiesça et souria à l’homme comme s’il tentait encore de cacher son état plus que lamentable.

"Désolé pour...la visite...Improvisée" S’excusa-t-il, restant sur le pas de porte. Il leva la main pour atteindre l’épaule de Hank "Merci de l’avoir garder..." Et bien qu’il aurait adorer avoir un toit sur sa tête, un repas, une douche chaude et tout le confort que pouvait offrir une maison, il n’était guère du genre à s’incruster. Ce n’était pas la première fois qu’il était à la rue, en pleine hiver, ce serait difficile mais il trouverait bien un endroit où dormir et demain matin ça irait.

"Je t’embête...Pas plus..." promit-il, tendant la main vers Chance "Allez mon vieux...On y va..."

Obéissant, bien qu’inquiet, Chance se faufila à l’extérieur, il resta proche d’Aedan attendant celui-ci pour se remettre en route. Malgré sa faiblesse, le "à nouveau" SDF s’éloigna du pas de la porte pour pouvoir reprendre lentement mais sûrement la route. Le froid lui faisait peut-être délirer quant à ses capacités de survie.

"Le meilleur chien du monde" Dit-il en guise de réponse avant de reprendre doucement la route.

Même si lui n’aurait jamais été capable de laisser un ami repartir dans le même état qu’il était lui-même, il ne s’attendait jamais à ce que les autres réagisse ainsi avec lui. C’était peut-être une façon de se protéger des déceptions. Il avait été rejeté par ses propres parents et d’autres rejets avaient accompagné, avec le temps, on apprenait à avoir des réflexes pour se protéger. Bon ou mauvais réflexe, cela dépendait des points de vue supposait-il.
Chance sautillait lentement à ses côtés pour le suivre mais ils n’avaient même pas atteint le bout de l’allée que Hank l’interpellait et le rejoignait. Ouais, il était congelé, il pouvait difficilement le contredire à ce sujet. Sentir son bras autour de ses épaules et la chaleur que ça produisait était suffisant pour lui rappeler à quel point il avait effectivement froid.

Il n’avait pas la force de le contredire, ni même l’envie à vrai dire. Un bon café, chaud, cette idée le ravissait par avance et il eut un sourire extrêmement reconnaissant pour la générosité de Hank. Se laissant aller jusqu’à l’entrée de la maison, Chance passèrent devant eux pour retourner à l’intérieur, allant naturellement s’installer près de Sumo.

"Salut mon gros..."

Dit-il pour l’énorme Saint-Bernard alors qu’il retrouvait la chaleur d’un foyer. Il ne put s’empêcher un soupire d’aise, du chauffage, l’air ambiant réchauffait déjà sa peau et un long frisson parcourut son échine. Il se permit de tirer sur la première chaise qu’il trouva dans la cuisine pour pouvoir s’y asseoir. Ca faisait combien de temps qu’il marchait ? Quand il fut assis, Chance délaissa à nouveau Sumo pour poser sa tête contre les genoux de son maître. Il gratta l’une de ses oreilles.

"Alors...J’ai loupé quoi de beau ?" dit-il ironiquement. Bien qu’il était détenu au moment de la prise de pouvoir violente de Markus, ce dernier mois, prisonnier des androïdes, avait été un excellent moyen de comprendre le merdier dans lequel se trouvait Détroit mais il ne connaissait pas plus les détails.

La fatigue se faisait sentir dans chacun de ses mouvements, chacune des expressions de son visage comme si tout lui demandait un effort considérable. Caressant machinalement son chien, il était heureux de l’avoir retrouver. Heureux et reconnaissant pour Hank. Il allait bien, il était vivant. Lui qui avait tant redouter que son chien ne soit piquer à la seconde où il avait dû mettre les pattes à la fourrière suite à son arrestation. Le regard tendre, il regardait son visage alors qu’une de ses mains entourait la tasse chaude. Il ne but rien pour l’instant, c’était servit un biscuit mais l’avait poser à côté de sa tasse. Etait-ce le froid ou la fatigue qui lui coupait l’appétit ? Il l’ignorait.

Les dernières nouvelles n’était pas bonne, il était déjà bien au courant pour Markus...Et pour cause, il avait atterri parmis ses prisonniers. Il en gardait d’ailleurs une marque indélébile sur la nuque. Heureusement, ses cheveux cachait ce tatouage. Fermant les yeux quelques secondes, il assimila les informations, la musique, et les questions de Hank.

"L’endroit où j’étais détenu devait contenir des androïdes...Parce que Markus est venu les libéré...Dans ce bordel, je me suis retrouvé avec eux. Quand ils ont pigé que j’étais humain, j’ai fini avec..." Il pensa à Samuel "d’autres prisonniers..." le visage de Samuel lui restant à l’esprit.

Ouvrant à nouveau les yeux, sa deuxième main quitta Chance pour venir entourer la tasse. Un nouveau frisson, il porta enfin le contenant jusqu’à ses lèvres et bu très lentements quelques gorgées de café non sucré. Laissant l’amertume se glisser dans sa bouche, réchauffer sa gorge et son estomac. La chaleur du breuvage se répandant sur tout son corps.

"C’est moche à voir..." Admit-il sans pour autant donner plus de détail. "Mais Markus a fini par me laisser partir..." Lui informa-t-il "L’un...Des androïdes que j’ai aidé par le passé...Il était là. C’est lui qui a demandé m’a libération...Qui s’est porté garant..." Il eut un petit rire discret.

"Je suis venu directement ici..." ce qui expliquait son état lamentable. "Je sais pas...Ce qui va se passer maintenant...Ceux qui m’ont enfermé à la base doivent me rechercher...Ou ils sont mort...J’en sais rien..." Il leva un regard désespéré vers Hank. "Je suis un fugitif non ?"

Il avait du mal à vraiment faire la conversation et il laissa plutôt Hank parler, écoutant en buvant sa tasse de café sous l’oeil soucieux de son chien. Ouais, il devait certainement une fière chandelle à cet androïde et il aimait à croire qu’il était toujours vivant, dans les rang de Markus ou en dehors. Il n’avait pas envie d’imaginer le pire, y avait aucune raison. La colère de Markus était ce qu’elle est mais il savait protéger son peuple du mieu qu’il pouvait non ? Ses propres réflexion internes, il se passa une mains sur le visage, terminant sa route dans ses cheveux emmêlé.
Aedan fut malgré tout surpris par toutes les questions de Hank qui déferlait là d’un coup. C’était beaucoup, en très peu de temps et pendant une seconde il lui rappelait la période où il était encore en cellule, à subir interrogatoire sur interrogatoire.

"Hank...Stop..." demanda-t-il trop discrètement pour être entendu alors que le lieutenant continuait avec ses questions. "HANK !" sortant de ses gonds, il se surprit d’avoir crier. Regardant Hank qu’une seconde avant de baisser la tête, honteux. "Pardon...Je...Je suis vraiment crevé." S’excusa-t-il.

Il avait jeté un froid dans la pièce, mais ça faisait beaucoup de chose à gérer d’un coup, beaucoup de chose à penser. Il pourrait partir, il pourrait lui-même aller au Canada mais étant donné qu’il avait été arrêté comme passeur, y avait fort à parier qu’il soit également recherche de l’autre côté de la frontière et puis pour être honnête, il n’avait aucune envie de fuir.

"Je n’ai pas de plans...Je pensais que j’allais crevé y a même deux jours" Dit-il pour répondre aux questions du lieutenant. "Je suppose que j’ai perdu mon job et mon appart" bien qu’il ignorait encore que les patrons du Jimmy’s Bar avait disparu. Lorsqu’il l’apprendrait, il prendrait le relais et en ferait son refuge mais pour l’heure, il l’ignorait encore et il ignorait ce qu’il allait faire.

"Je veux pas me tirer de Détroit...Y a des gens qui ont besoin d’aide ici" Mais il devait admettre une chose "mais j’ai également besoin d’aide..." levant les yeux sur Hank. "T’es flics non ? Tu peux pas m’effacer de vos bases de données ? Leur faire croire que je suis mort, j’en sais rien ! Un truc pour que je puisse juste...Reprendre ma vie là où je l’ai laissé...Ton petit copain androïde...Il pourrait aider ? Je sais que c'est risqué pour toi mais...Je sais pas à qui d'autre demander ça"

Terminant le café qu’il lui avait préparer, il reposa sa tasse sur la table alors qu’il l’écoutait. Il poussa un long soupire de soulagement, il lui enlevait un sacré poids sur les épaules en lui proposant son aide. Même s’il n’était pas certains que ça puissent fonctionner, il acquiesça à la proposition d’effacer son casier. S’il disparaissait des bases de données de la police, il pourrait reprendre sa vie là où elle avait été arrêtée. Sans avoir à changer de nom ou de tête.

"Ne plus avoir de dossier...Ouais...Ca semble être la meilleure solution, j’ai pas envie de me couper les cheveux et de raser ma barbe..." Lui avoua-t-il en tentant de faire un peu d’humour.

Regardant Sumo, il n’était pas surpris d’apprendre que les deux chiens c’étaient plutôt bien entendu au vu de leur tempérament à tous les deux. Reposant ses yeux sur Hank, il poussa un autre soupire.

"Dès que cette histoire est réglée, je te promets de déguerpir d’ici...Tu en as assez fait comme ça pour moi" faisant référence à ce qui s’était également passé une dizaine de jour après son arrestation. Il avait beaucoup de chance d’avoir un ami comme lui, malgré les vacheries qu’ils avaient pu se dire ce jour-là. Le show devait être convainquant et blesser réellement était le meilleur moyen de l’être. Mais l’un comme l’autre ne semblait pas en avoir tenu rigueur aujourd’hui.

"En attendant...Je me rendrai utile ici..." Lui promit-il, parce qu’il n’était pas question pour lui de rester ici les bras croisés à ne rien faire. "Je suis plutôt bon cuisinier" ajouta-t-il avec un sourire discret. S’étirant longuement, il poussa un long soupire. "Merci pour tout Hank..."

Laissant le silence reprendre un peu ses droits, il profita du calme avant de se gratter la nuque. Là où se trouvait un tatouage, lui qui détestait les aiguilles et en avait une peur phobique, les androïdes l’avaient pourtant marqué à la nuque comme tous les autres androïdes.

"Tu crois que je pourrais passer un coup de fil ?" lui demanda-t-il, en effet, il y avait bel et bien quelqu’un qu’il souhaitait contacter. Ignorant que ce quelqu’un ne risquait pas de lui répondre.

Il ne pouvait s’empêcher de rire légèrement à sa première remarque. Il était certain qu’un homme comme le Lieutenant Anderson pourrait facilement comprendre pourquoi Aedan tenait à ses cheveux et sa barbe. Ceci dit, il aurait été fort amusant de revoir sa tête juvénile avec une coupe de cheveux courte et pas de barbe...Mais non, il n’était pas prêt faire ce sacrifice. Hank lui précisait à présent qu’il ne partirait que lorsque la situation serait le lui permettrait, ce qui le fit un peu plus sourire.

"Oui papa, je serai sage" taquina-t-il même si au fond de lui-même, il ressenti un petit pincement au coeur.

Il était vrai que Hank avait agit avec lui bien plus comme un père que ce que son propre père avait fait pour lui. L’ancien SDF, techniquement à nouveau SDF, ressentait une profonde gratitude pour le lieutenant. Bien qu’il avait longuement hésité, il avait fini par lui demander son téléphone et là encore, l’homme resta généreux. Acquiesçant à ses recommandation, il se leva, se dirigeant vers le salon. Après avoir repérer le téléphone portable, il chercha le moyen de masquer le numéro avant de composer celui qu’il connaissait par coeur…

Une sonnerie...Deux sonneries...Trois...Quatre...Une trentaine de secondes passèrent avant que la voix de Jake se fasse entendre. L’enregistrement du répondeur. Ca lui suffit pourtant à faire remonter les larmes jusqu’à ses yeux et il prit soin de tourner le dos à Hank pour éviter d’être vu. Le bip sonore...C’était à son tour…
Quelques secondes passa où il essayait de contrôler son souffle devenu lourd avant qu’il ne parle.

"C’est moi..." souffla-t-il dans un premier temps. "Je...Ca été la folie...Je voulais que tu sache que...Je ne suis pas partie à cause de toi, je ne voulais pas partir, on m’a..." Il hésita, pouvait-il dire ça au téléphone ? Non, Hank lui avait dit de prendre aucun risque "On m’a pas laissé le choix..." rectifia-t-il. "Je vais bien maintenant...Mais je suis pas encore libre de tout mes mouvements, j’ai...J’ai besoin que tu sois patient, dès que j’aurai réglé tout ça, le merdier dans lequel je me trouve, je te promets...Je viens te voir...Tu pourras me mettre la raclée de ma vie avant de..." Il jeta un coup d’oeil du côté de la cuisine. "Avant de faire tout ce que tu veux de moi..." Il eut un sourire en coin. "Je t’aime..." souffla-t-il alors que les larmes menaçaient à nouveau "Je reviens vite..." ajouta-t-il "Je serai à toi...Pour toujours" une promesse que jamais plus il ne laisserait la vie les séparer.

Il dut se forcer à raccrocher et lorsque ce fut fait...Il baissa la tête. Fixant le téléphone entre ses mains. Combien de temps étaient-ils rester enfermé ? C’était étrange de ne plus avoir de véritable notion du temps. Reposant le téléphone portable là où l’avait trouvé, il revint vers la cuisine. C’est dans un silence un peu pesant qu’il revint au côté de Hank, à défaut de pouvoir faire la vaisselle, il prit de quoi l’essuyer directement pour pouvoir la ranger.

"Tu sais combien de temps j’ai été enfermé ?" fini-t-il par demander ? Vu la météo dehors, il supposait qu’ils étaient encore en hiver. Une autre question le chiffona cependant. "Tu as toujours cet androïde qui bosse avec toi ? Tu risque pas qu’il..." Il hésita une seconde, il ne voulait pas se montrer suspicieux envers les androïdes, il en avait aidé bien assez pour savoir que tous n’étaient pas comme Markus par exemple mais Connor était un modèle plutôt spéciale de son souvenir, et surtout...Il n’était peut-être pas déviant.

"Hank...Ca fait deux mois dans ce cas" Lui dit-il avec le sourire, même s’il ne put s’empêcher de poser une main amical sur son épaule. Il avait donc probablement passé de novembre à décembre avec les humains et de décembre à janvier avec les androïdes. Deux mois...C’était à la fois pas grand chose et tellement de temps. Pour lui, ces deux derniers mois avaient plutôt des allures de deux années entières tant cela avait été un calvaire. Il ignorait combien de temps cela lui prendrait pour s’en remettre à présent et il redoutait par avance le combat intérieur qu’il allait devoir mener. Au moins, il était en sécurité pour le mener.

L’androïde qu’il avait eu l’occasion de voir parfois avec le lieutenant lorsqu’il travaillait encore au Jimmy’s Bar n’était donc pas un problème d’après Hank, ce qui allégeait un peu plus le poids sur ses épaules. Hank avait déjà tout risqué une fois pour lui et il ne souhaitait pas être un problème dans la vie du lieutenant. Suivant le lieutenant jusqu’à la chambre d’ami, il observa la pièce, devinant que par endroit il devait y avoir des poster ou d’autre meuble...Devant cette pièce, ce vrai lit, l’ancien SDF mesurait combien il avait de la chance de l’avoir et il ne put se retenir plus longtemps de prendre Hank dans ses bras dans une étreinte reconnaissante.

"Merci Hank..." Souffla-t-il "Je te promets que je te revaudra tout ça…T’es un mec bien" Lui dit-il.

Il savait que le lieutenant n’était probablement pas fan des démonstrations physique d’attachement, d’autant plus que ça mettait parfois les hommes mal à l’aise du simple qu’il était gay alors il ne prolongea pas l’instant plus que nécessaire et s’éloigna du flic. Sa gratitude toujours lisible dans ses yeux. Entrant dans la pièce, il alla lentement mais surement se poser sur le lit, s’y asseyant.

"Prépare toi au meilleur petit déjeuner de ta vie demain..." promit-il avec un sourire qui s’étirait sur son visage.

Cette nuit, Aedan n’eut pourtant pas la nuit réparatrice dont il rêvait. Les cauchemars multiples le tirait de son sommeil en sueur et parfois même en larmes. L’avantage c’est qu’au première lueur du matin, il était effectivement déjà en cuisine. Pancakes, Oeufs brouillé, bacon, et café embaumait toute la maison.

Faire ce petit déjeuner avait eu le mérite de l’occuper et d’aider son esprit à se focaliser sur quelques choses plutôt que de vivre et revivre ses cauchemars. Cela avait appaisé sa respiration, diminuer son niveau d’angoisse et au final, calmer son rythme cardiaque. A ses côtés se trouvait Chance et Sumo, prêt à s’occuper de la moindre miette qui pourrait tomber par terre. Il n’avait pas résisté à leur faire plaisir en leur offrant à chacun d’eux une tranche de bacon. C’était probablement pas ce qu’il y avait de mieux pour leur régime alimentaire à chacun mais c’était à titre exceptionnel, plutôt content d’avoir les deux chiens près de lui pour lui tenir compagnie le temps que le lieutenant décide de les rejoindre.

Il eut un rire en l’entendant arriver. On aurait presque dit une scène d’une de ses séries comédie du style "La vie de famille" ou "Sept à la maison". Remplissant une assiette pour le lieutenant, il ne put s’empêcher de réfléchir à quel genre de titre porterait une série avec eux quatres en vedette. "4 coeurs et 11 pattes" ? Il ne put s’empêcher de sourire à cette idée idiote alors qu’il servait une tasse de café et qu’il en fit de même pour lui.

"J’ai toujours été un lève tôt, j’avais besoin de m’occuper" lui expliqua-t-il, lui gardant bien de lui expliquer qu'il n'avait simplement pas réussi à trouver le sommeil après de multiples cauchemars "Et je t’ai promis le meilleur petit dej" rappela-t-il.

Buvant de grande gorgée de son café noir sans sucre, il jeta un coup d’oeil au lieutenant. Une part de lui se demandant à quoi pouvait ressembler la journée type d’un travail de lieutenant à la police de Detroit. De toute évidence, Hank n’était pas tenu à avoir un uniforme. Les goûts incertains en matière de mode le faisait également sourire mais il se garda bien de faire la moindre remarque.

"Tu vas faire quoi de beau aujourd’hui ?"

Qu’allait-il faire de sa journée ? Il l’ignorait. Il n’avait en théorie pas le droit de sortir alors il regardait simplement autour de lui.

"Je suppose que je vais faire le ménage ici..." Dit-il avec un certain amusement. "Et me reposer un peu...Je crois que j’en ai besoin."

Il essayerait de rester sage, il l’avait promis à Hank. Néanmoins, une part de lui mourrait d’envie d’essayer de joindre Jake à nouveau. Prenant calmement son petit déjeuner en compagnie de Hank, il ne s’était pas attention à recevoir une nouvelle avalanche de question et il ne put s’empêcher de rire cette fois.

"Bon sang Hank, ça t’arrive de discuter avec les gens sans leur faire passer un interrogatoire ?" Taquina-t-il, les yeux rieurs et le sourire aux lèvres. Cela faisait du bien de se montrer aussi...Insouciant. Il ne remercierai jamais assez cet homme pour son aide.

"Pas de mensonge ni d’excuse alors..." promit-il en prenant son propre café. Il but de longue gorgée de la boisson chaude et amer. Avait-il l’air si fatigué que cela pour que le lieutenant s’inquiète autant de lui ? Il n’avait pas prit le temps de se regarder dans un miroir dernièrement, il devait peut-être réellement faire peur en fait.

"J’ai assez mal dormi mais ce n’est ni la faute du lit ou de la chambre" lui assura-t-il en reposant sa tasse sur la table. Il fixa un point imaginaire sur celle-ci, se perdant un peu dans ses pensées et le souvenir de cette première et terrible nuit. "Je crois que je vais avoir quelques nuits difficile...Tu sais...Le temps de..." il fit un vague geste de sa main au niveau de sa tête "processer tout ça..." ajouta-t-il.

Il évitait pourtant soigneusement les yeux de Hank, une part de lui avait si honte de ce qu’il avait vécu, de ce qu’il avait dû faire pour survivre. Si Hank savait…

"Je sais Hank..." Répondit-il, parce qu’il savait aujourd’hui qu’il pouvait effectivement tout dire à ce dernier, mais mettre des mots sur ce qu’il avait vécu, c’était encore trop difficile pour lui. Tant qu’il ne parlait pas, cela restait des cauchemars plus que des souvenirs. Tant qu’il n’en parlait pas, c’était comme si cela ne s’était jamais passé. "Quand je serai prêt" lui dit-il sans vraiment savoir quand il le serait et s'il le serait un jour en réalité.

Et puis pour le moment, il avait besoin de cette normalité. De deux amis petit-déjeunant autour d’une table. Lorsque l’heure fut venue pour Hank de partir, il lui souriait franchement.

"T’inquiète pas pour moi, je serai sage" taquina-t-il, attendant que Hank soit parti pour souffler l’air en dehors de ses poumons.

C’était dingue l’énergie que ça demandait de prétendre que tout allait bien. Il regarda Chance et Sumo, Finissant par les faire sortir à l’extérieur le temps que lui débarrassait la table. Ca n’avait l’air de rien, mais c’était plaisant de faire des choses aussi simples que de débarrasser une table. Une vie normale.
Remplissant ensuite les gamelles des deux chiens, il fit la seule chose qu’il pouvait faire pour occuper son esprit actuellement : le ménage. Avant midi, la totalité de la maison semblait plus propre qu’elle ne l’avait jamais été et il se trouvait à présent dans la salle de bain. C’était la première fois qu’il prenait le temps de se voir, de se regarder vraiment.

Il avait perdu du poids, il avait le regard cerné de fatigue, et même le bleu de ses yeux semblait avoir perdu de son éclat. Se permettant de fouiller dans les placards de la salle de bain, il trouva de quoi s’attacher les cheveux et des ciseaux également. À défaut de pouvoir avoir l’air moins fatigué, il prit le temps de tailler sa barbe pour que cela ressemble plus à quelque chose et qu’il ait moins la gueule d’un jésus SDF.
Nettoyant la vasque, il garda ses cheveux relevés dans un petit chignon désordonné. Voilà... Il était à peine passé midi maintenant et il n’avait déjà plus rien à faire.

Il tourna en rond, tenta de dormir sans succès, tel un lion en cage, il prit une décision folle, mais... Il avait besoin de le voir... De... LE... Voir.
S’assurant que les animaux étaient bien rentrer, il fouilla dans les affaires de Hank pour se trouver une veste. Ses propres vêtements lui manquaient. S’assurant que personne le verrait, il quitta la maison du lieutenant.

L’avantage d’avoir vécu dans la rue, c’est qu’on connaissait tous les coins et recoins de la ville, tous les détours discret, les lieux moins fréquentés, et même si ça prolongeait son temps de trajets. Il finit par rejoindre un lieu qu’il connaissait que trop bien. Il fut surpris de voir la boîte aux lettres de Jake Price pleine à craquer. Il connaissait les lieux, savaient où se trouvait le double des clés, cachés, juste au cas où. Quand il arriva à l’intérieur... Il dut se rendre à l’évidence : il ne trouverait pas Jake.
L’odeur, la poussière, il avait beau ne pas être flic, il connaissait beaucoup trop le propriétaire des lieux pour comprendre que cela faisait longtemps qu’il n’était plus venu ici. Continuant de fouiller, cette fois, il cherchait un indice d’où pouvait se trouver Jake. Son bureau avait été vidé, sa cave aussi... Ca ne sentait pas bon, au propre, comme au figuré. Il frappa sur le sac de sable de Jake, l’un des rares éléments encore présent dans la cave.

"Putain t’es où..." souffla-t-il et il craqua à une nouvelle fois. Il frappa le sac, encore et encore et encore jusqu’à s’épuiser et se faire mal.

Après cet instant de faiblesse, il reprit un peu plus son calme. Jake ne pouvait pas l’avoir abandonné, il en était certain.
Retournant à l’étage, il y avait encore les restes de la table basse qu’ils avaient brisée. Le verre avait été jeté certes, mais le reste du meuble inutile était bien présent ce qui venait renforcer son idée que non... Jake ne l’avait pas abandonné. Cette intuition s'intensifia lorsqu’il retrouva le briquet fétiche de son amant. S’il était parti, il serait parti avec ce briquet, il en était certain.

Le glissant dans sa poche, il récupéra également un stylo et vola la monnaie qu’il trouva dans le vide-poche de l’entrée. Il chercha bien d’autres indices, le frigo et son odeur venant affirmer un peu plus ses craintes, il retrouva également la chemise qu’il portait le jour où ils s’étaient engueulé dans ce salon. L’apportant jusqu’à son nez, il ne put s’empêcher de vouloir retrouver l’odeur et le parfum de son amant. Bon sang Jake...Où étais-tu ? Cette chemise aussi, il l’emporta.

Lorsqu’il quitta les lieux, à contre-cœur, il était déterminé à comprendre ce qui s’était passé et avoir cet objectif lui permettait de ne pas penser à ses propres traumatismes. Refaisant le chemin inverse pour retourner chez le lieutenant, il profita d’une cabine téléphonique et du peu de monnaie qui lui restait pour appeler.

Message… "Jake Price, laissez un message"... Il hésite à raccrocher et rappeler, juste pour l’entendre à nouveau.

"Jake... C’est encore moi... Je suis passé chez toi. Je sais qu’il s’est passé quelque chose. Je m’inquiète. Si tu es parti pour me retrouver, s’il te plaît... Reviens, je suis là. Je t’expliquerai, je te le promets... Mais je t’en prie... Reviens... J’ai... J’ai besoin de toi Jake... J’ai jamais eu autant besoin de toi... Je t’aime."

Il raccrocha, récupéra le reste de la monnaie et reprit sa route. Il retrouva la maison rassurante d’Anderson. Y entrant comme il en était sorti, il retrouva Sumo et Chance. Reprenant une routine étrange, il prit le temps de ranger la veste empruntée de Hank où il l’avait trouvé et de cacher la chemise de Jake dans la chambre d’ami avant de revenir voir les chiens, de les faire sortir à nouveau. L’horloge affichait 17h, il avait encore le temps avant de revoir le lieutenant revenir ici. Se posant dans le canapé du salon, il alluma la télé et changea de chaîne plusieurs fois avant de s’arrêter sur une émission de téléréalité aussi stupide que facile à regarder.

C’est devant cette chaîne qu’il finit par s’endormir... Inconscient que lorsque Hank rentrerait, celui-ci découvrirait un Aedan endormi, suppliant dans ses rêves d’arrêter de lui faire ça, suppliant que ça cesse. L’espace de quelques instants, Hank allait être témoin du sommeil plus qu’agité d’Aedan qui, lorsqu’il ne suppliait pas, s’excusait encore et encore.

Dans un réflexe de survie que lui avait laisser à la fois la prison mais également sa détention chez les androïdes, les mains d’Aedan trouvèrent leur chemin jusqu’à la gorge de Hank. En quelques secondes, il avait fait basculer celui-ci au sol, le passeur au-dessus du lieutenant, l’étranglant. Dans les yeux clairs de l’ancien passeur, on pouvait lire la peur, non c’était plus profond encore que la peur, c’était un désir violent de survie. Il fallut les aboiements agressif de Sumo et Chance pour que le regard d’Aedan change, signe qu’il revenait réellement à lui. En se rendant compte de son geste, il lâcha Hank comme si sa peau lui avait soudainement brûler les doigts.

"Mon dieu..." Se rendit-il compte, plus effrayé que jamais, s’éloignant de Hank. Il avait honte, tellement honte. "Je...Pardon...Je sais pas ce qu’il m’a prit...Je"

Et en quelques secondes à peine, les yeux d’Aedan se remplirent de larmes. Il s’éloignait autant que possible de Hank, pas par peur de ce dernier mais parce qu’il avait peur de lui-même.

"Je...Je ne devrais pas rester si...Si je suis dangereux pour toi...Pour les autres. Putain...Je suis tellement...Crevé...J’en ai marre d’avoir...D’être..."

Ses paroles étaient décousus, de ceux et celles qui étaient en pleine crise d’angoisse. Il avait du mal à respirer correctement tant il se sentait mal. Encore attaquer par les images de ce qu’il avait vécu lorsqu’il était enfermé, tout ça se mélangeait dans son esprit avec une telle violence. Il venait de sérieusement tenter d’étrangler à mort le seul ami qu’il possédait vraiment en ce moment ? Il fixa ses mains sans arriver à croire que ça avait été elle et pourtant, n’était-ce pas ces mêmes mains qui avaient tout fait pour survivre dans les arènes ?

L’attitude névrotique d’Aedan ne laissait pas de place au doute, ce qu’il avait vécu, même si Hank ignorait quoi, avait été assez horrible pour avoir des conséquences grave sur la psyché de l’homme.

Il essaya de se dégager de la poigne de Hank mais cessa à la seconde où son regard rencontra celui du lieutenant. La honte était lisible dans les yeux d’Aedan, hanté par les souvenirs des ces derniers mois. Son corps tremblait malgré lui sous les doigts du flic alors qu’il avait cessé de bouger, les deux molosses gardant un oeil aussi bien sur l’un que sur l’autre. Une certaine tension régnait dans l’air malgré les paroles de Hank qui se voulait sur le ton de la rigolade. Il l’écoutait sans vraiment le faire, l’invitation à parler était lancer et pourtant il ne se voyait pas s’épancher sur l’épaule du lieutenant. Que pourrait-il lui raconter ? La sincérité de Hank avait beau transparaître à chacun de ses mots et de ses gestes, il ne voulait ajouter son traumatisme au fardeau que devait déjà porter le lieutenant chaque jour avec le métier qu’il faisait.

Il fut pourtant particulièrement surpris de se retrouver dans ses bras. Il l’avait senti hier, l’homme n’était pas du genre tactile, et pourtant. L’étreinte eut le mérite de calmer les battements erratiques de son coeur et d’adoucir sa respiration. L’anarchie était encore bien présente dans ses pensées mais il ne fallut que quelques paroles de plus pour que cela s’envole. Les mots, surprenant, l’était encore plus venant de la bouche de Hank. C’était une telle surprise qu’il en éclata de rire sur le moment. Mais Hank pouvait le sentir, le corps d’Aedan se détendait, retrouvant calme et sérénité à travers ce moment surprenant et hors du temps.

"J’ai...Du mal à croire que ça n’a duré que deux mois" souffla-t-il pourtant au creux de l’épaule de son ami. Deux mois, il n’avait été enfermé que deux mois, d’abord dans un camp, puis dans l’autre...Deux mois… "J’ai l’impression que ça duré une éternité." avoua-t-il presque honteux. Comme si le fait que ça n’ait duré que deux mois ne justifiait pas que ça le laisse aussi mal aujourd’hui.

"Je te l’ai dis, c’était moche..." Dit-il en s’éloignant malgré tout de l’étreinte du lieutenant pour fuir vers la cuisine et commencer à fouiller le frigo et les placards pour savoir ce qu’il préparerait pour le dîner. Tenir ses mains occupés, c’était également une excellente façon de ne pas se mettre à trop réfléchir.

"J’ai...Du faire des trucs vraiments..." il n’a pas de terme pour le décrire "Je devais survivre..."