Ce fut une forme de libération qu’il ressenti, bien plus intense que tout ce qu’il avait pu vivre jusque là. Comme si un barrage avait cédé. Il était plus que certain que les voisins les plus proches n’avaient pas pu manquer la voix d’Aedan mélanger à celle de son amant. Son corps en tremblait encore alors qu’il tenait d’un bras ceux de Jake qui entourait son buste. Il était à moitié affalé sur le lavabo qui leur avait servi d'appui. Il avait envie de rire, et de pleurer également. Il avait la sensation que son cerveau était incapable de savoir où il devait se concentrer tant ces sensations retrouvés avaient été aussi intense que brutale. Son corps était perlé de sueur, il peinait à retrouver une respiration correcte.

Son cœur qui tambourinait si fort dans sa poitrine, se gonflait de plus belle en entendant la déclaration de Jake. Ces trois mots qui le ramenaient à la réalité. Il se força à se redresser, obligea Jake à desserrer son étreinte le temps qu’il puisse se retourner et lui faire face. A peine l’était-il qu’il prit le visage de son fiancé entre ses mains pour l’amener jusqu’à lui et l’embrasser encore et encore.

"Je t’aime aussi Jake Price. Je t’aime tellement...Dans cette vie et dans les suivantes." Ponctuant chacun de ses mots de nouveau baiser, parfois plus intense que le précédent, parfois moins. C’est doucement qu’il se dirigeait vers la cabine de douche, bien qu’il n’aurait pas dit non à un bain, il ne possédait pas de baignoire dans cette appartement et n’avait que cette cabine de douche à offrir. Sur le court chemin qui les y amenait, Aedan ne cessa pas ses embrassades, gouttant aux lèvres de Jake comme s’il en redécouvrait la saveur. Il cherchait la compagnie de sa langue, allumant l’eau chaude à l’aveugle pour laisser le liquide chaud pleuvoir soudainement sur eux et maintenir leur corps dénudé à bonne température.

"J’espère que tu es en forme" ne put-il s’empêcher de dire contre sa bouche, retrouvant son ton plein de malice et de désinvolture. "Tu ne risques pas de beaucoup dormir cette nuit..." promit-il en échangeant un regard lourd de sous entendu.

Ils avaient beaucoup de temps à rattraper et après autant de temps à avoir dû lutter contre lui-même et ses souvenirs, Aedan voulait en profiter. Quelque part un peu effrayé à l’idée que ses traumatismes refassent surface plus tard. Il avait également cette impression d’être assoiffé, tel un homme ayant parcouru des kilomètres sous un soleil de plomb et découvrant enfin une oasis, incapable de faire autre chose que de boire des litres et des litres jusqu’à plus en pouvoir.

Et c’était de ça dont il avait envie, profiter de Jake, de son corps et de son amour jusqu’à épuisement.

Il ne put s’empêcher de sourire sincèrement lorsqu’il lui demanda de le laisser déjà profiter de cette vie-là. Il n’avait pas tort, tous les deux avaient traversé des moments très compliqués, loin l’un de l’autre. Ce qui rendait les évènements de cette fin de soirée d’autant plus importants. C’était pour ça qu’il réclamait son contact, qu’il semblait incapable de satisfaire d’un seul languoureux baiser mais qu’il lui en fallait aussi des doux, des lents, des passionnées, des tendres et des chastes. Il avait besoin de le redécouvrir, entièrement, sans demi-mesure. Trop effrayé à l’idée que tout ceci ne soit que temporaire et quelque part encore bien marqué par ces mois de séparation et la peur de l’avoir réellement perdu.

Pourtant, il dut remettre les pieds sur terre en entendant son amant se plaindre et placer contre un coin de la paroi de la douche. Aedan mit un certain temps avant de comprendre et de se rappeler que moins d’une heure auparavant il avait soigné cette cuisse bandée.

"Merde" répéta-t-il en prenant soin de détourné le jet pour permettre à Jake d’avoir une position plus confortable.

Il ne put s’empêcher de sourire avec le visage d’un gamin prit la main dans le sac.

"J’avais oublié" précisa-t-il même si c’était inutile. "Vous me faites bien trop perdre la tête Monsieur Price" se plaigna-t-il ensuite faussement.

Ceci étant, si le bandage devait être mouillé à cause de cet interlude sous cette douche, il en avait encore pour pouvoir en refaire un et il avait un stock dans son bar au cas où. L’avantage d’avoir des activités à risques, c’est qu’on est plutôt bien préparé.

"Je vais devoir me savonner tout seul" remarqua-t-il mais le ton qu’il employait laissait sous-entendre que ce n’était pas vraiment un problème.

Et pour cause, il s'employait à le faire effectivement seul mais assez lascivement, sans détacher son regard de celui de Jake. Quitte à ce que son fiancé soit obligé de rester dans un coin, Aedan pouvait bien lui offrir un peu de spectacle. Ondulant sous une musique qui n’existait que dans sa tête, il laissa le gel douche s’écouler sur sa peau avant de se frotter et de le faire mousser. Il se sentait revivre et cela se voyait dans ces petits jeux, ces flirts et ces gestes. Pour la première fois depuis longtemps, il était confiant et sûr de lui.

Ce simple baiser volé était tout aussi plaisant que le moment de débauche qui avait précédé leur douche. Il avait l’impression de le retrouver après des années d’absence alors que ça faisait pourtant un moment déjà qu’ils étaient physiquement à nouveau ensemble. Se sentir à nouveau rougir devant les sous entendus et le clin d’oeil de Jake, même ça, ça lui avait manquer. Cela faisant pourtant tellement d’années qu’ils se connaissaient par coeur, qu’ils s’étaient apprivoiser, aimer, qu’ils s’était offert l’un à l’autre et pourtant...Il rougissait encore. Se passant la langue sur les lèvres avant de se les pincer.

"Je crois que je vais avoir besoin d’un rappel ou deux" répondit-il sur le même ton, un sourire équivoque s’esquissant lentement sur ses lèvres.

Et pour le provoquer un peu plus, il jouait avec le savon, la mousse sur son corps et redevenait un adolescent un peu idiot qui provoque plus pour la rigolade que pour réellement allumer l’autre mais c’était de la complicité. C’était puéril, idiot, drôle, peut-être un peu agicheur quelque part mais ça faisait du bien. Pour eux deux.
Sentir ses bras le chercher, l’attirer à lui, il se laissa faire en oubliant une nouvelle fois sa cuisse parce qu’il savait que Jake, comme lui-même, avait besoin de ça. De cette douceur, de cette tendresse, de cette parenthèse dans le monde de dingue qui les attendait à l’extérieur de leur petite bulle.

"Je t’aime aussi Jake..." Répondit-il dans un murmure.

Comme s’il s’agissait d’un secret qui leur appartenait qu’à eux ou plutôt, comme si parler plus fort risquait d’éclater leur bulle. Relevant la tête, il se souvenait avec amusement à quel point au départ, le fait que Jake soit plus grand lui, l’avait à la fois complexé et excitée. Aujourd’hui, il appréciait simplement cette sensation de protection que cela lui procurait sans plus du tout penser au fait que ça pouvait donner une image de lui plus faible.

Un frisson parcourut son corps, le faisant fugacement trembler entre les bras de Jake alors qu’il lui frottait le dos. C’était le genre de frisson agréable, qui donnait envie de ronronner comme un chat bien qu’il en soit incapable. Se détendant simplement contre Jake et profitant de l’instant.

"On revient de loin toi et moi" remarqua-t-il avec tendresse "ça été dur, physiquement, moralement, c’était parfois de la torture, c’était fatiguant, érintant, douloureux, mais si c’était à refaire Jake..."

Il releva à nouveau les yeux vers ce dernier.

"Je le referai mille fois pour me retrouver ici, sous cette douche, avec toi. Je traverserai mille fois l’enfer pour une minute comme celle-ci avec toi."

Je comprenais la culpabilité qu’il pouvait ressentir, quelque part, nous la partagions lui et moi. Je n’avais pas envie de le contredire, dans les faits, si nous avions pu nous protéger l’un et l’autre comme ne le voulions vraiment, on l’aurait probablement fait. J’aurai été hypocrite que de lui dire le contraire. La seule chose que je pouvais faire, c’était de ne pas alourdir sa culpabilité avec une vive colère. Je ne lui en voulais pas, nous avions fait des choix dans nos vies qui nous avaient joué des tours et j’étais presque certain que cela continuerait ainsi mais cela ne nous empêchait de rêver de cet univers parallèle où nous n'aurions pas eu à se retrouver au milieu de cette guerre.

Mon sourire se fit timide à ces mots, flatté par ces paroles je devais bien l’admettre. C’était bon de l’entendre qu’il voulait toujours me protéger, j’aimais ça chez lui. Je savais que cela ne signifiait pas que j’étais un faible à ses yeux, même si parfois nous pouvions nous battre plus par égo qu’autre chose. Au fond de moi, je savais qu’il ne me voyait pas comme une faible petite chose qu’il fallait à tout prix protéger. Non, ce désir de protection venait de lui. De ses instincts. C’était probablement la chose la plus saine au monde pour une relation mais j’aimais ça.

"Je sais que si tu en avais eu l’opportunité, tu l'aurais saisie" lui assurais-je, j’avais toute confiance en lui.

On avait beau être très différent l’un et l’autre, ne pas avoir les mêmes idéaux, je n’avais jamais cessé d’avoir confiance en lui. C’était ce qui avait rendu le soir où il m’avait tiré dessus si difficile à encaisser. Et même après ça, j’étais incapable de rester loin de lui. Et je me ferai tirer dessus encore un millier de fois pour vivre cet instant présent.

Mon rire se mêlait au sien, imaginant une vie hypothétique où nous serions déjà mariés, où nous serions peut-être même pères.

"Et nous aurions peut-être cinq ou six chiens et autant de chats" remarquais-je en plaisantant qu’à moitié. Je n’avais jamais su résister à un animal dans le besoin. Peut-être parce que ça me rappelait trop les années de ma vie dans la rue...Frissonnant à nouveau sous ses doigts, je relevais la tête vers lui avec un tendre sourire sur mes lèvres. Le voir heureux et détendue, c’était probablement la plus belle image qu’il m’ait été donné d’observer.

Je me hissais sur la pointe de mes pieds pour venir l’embrasser, entourant sa nuque de mes bras. C’était doux et tendre mais je sentais que ma propre passion, ignorée depuis trop longtemps, n’était pas bien loin. C’est pour éviter de lui faire mal que je me forçais à quitter la chaleur de ses lèvres pour me remettre sous l’eau et rincer sous le savon. Inclinant la tête en arrière pour laisser l’eau couler sur mon visage, mes cheveux et ma barbe. En passant ma main sur celle-ci, je ne pus m’empêcher de rire.

"Peut-être même que j’aurai une coupe de cheveux et que je serai rasé" remarquais-je.

Jake ne m’avait jamais connu autrement que les cheveux longs et la barbe également. Oh bien sûr, lors de notre première rencontre elle était moins longue, moins fournie, tout comme mes cheveux, mais tout de même.
S’il m’avait vu avant tout ça, s’il m’avait connu à l’époque où j’allais chez un coiffeur et me rasait de près, je suis presque certain qu’il ne se serait jamais retourner sur moi tant j’étais banal et ennuyeux.

Réclamant un retour à la réalité, je ne pus m’empêcher de sourire. Était-ce si horrible que ça de m’imaginer les cheveux plus courts et rasés de près ? Il fallait croire que oui. Amusé par son attitude au départ, je me sentis replonger dans mon désir pour cet homme à la seconde où il s’approcha de moi. M’obligeant à relever la tête, je plongeais dans ses sombres prunelles, accueillant ses lèvres avec la même tendresse. Je ne pouvais m’empêcher de le toucher, mes doigts retrouvant le contact de sa peau. De ses hanches à son torse pour finir par s’accrocher à sa nuque. J’étais conscient que beaucoup de choses auraient dû nous séparer, à commencer par nos idéaux, mais je n’arrivais pas à m’y résoudre.

Il sera probablement ma perte, mais le contact de ses lèvres contre les miennes, de mes mains sur son corps, son parfum, sa chaleur, sa simple présence dans mes pensées suffisaient à me persuader que cela en valait largement la peine.

Je retins de justesse une plainte de frustration lorsqu’il s’éloigna à nouveau de moi, rompant notre baiser, mais la frustration fut vite remplacée par la surprise. Il avait suffi de quelques mots pour que je reste paralysé par la surprise. Je savais qu’il était sincère, mais je ne mesurais probablement pas à quel point. L’entendre le dire avec tout le sérieux dont il pouvait faire preuve, me fit comprendre qu’il désirait cette paternité autant que moi.

"Un jour..." lui dis-je avec un petit sourire timide. "Je te le promets, nous serons pères, ensemble."

Parce que c’était tout ce que je pouvais lui offrir pour le moment. La promesse d'avoir un enfant ensemble serait notre prochaine grande étape. J’ignorais simplement quand. Peut-être parce que j’avais peur au fond, peur de trop espérer et de me brûler en chemin. Jake allait être père, c’était une certitude et j’étais presque certain que Jake ferait tout pour contacter cet enfant. J’étais même prêt à l’aider si je devais me montrer honnête. Cet enfant à naître m’effrayait également. Dans le meilleur des cas, il exacerberait les envies de Jake de fonder une famille avec moi, dans le pire, cela aurait l’effet complètement inverse.

Et je crois qu’une part de moi devait encore digérer ça.

Je n’étais pas en colère contre lui, simplement paralyser par la peur et la culpabilité. Chassant ses pensées de mon esprit, je l’attirais contre moi pour retrouver le contact de ses lèvres. Glissant mes doigts dans ses cheveux, scellant ma promesse dans ce baiser. Je profitais de ce contact de longue seconde avant de m’en éloigner, d’éteindre l’eau de cette douche et de quitter la cabine. Aidant Jake à me rejoindre.

J’aurais probablement dû lui tendre une serviette, mais j’avais déjà soif de son corps contre le mien. J’avais faim de lui et je picorais déjà le creux de sa nuque avec une multitude de baisers. J’avais un avantage certain sur lui en n'étant pas blessé, mais je faisais attention à ne pas lui faire mal même si une petite voix dans ma tête me disait qu’il serait capable d’apprécier cela.



"Tu dois en avoir marre d’être debout" lui fis-je remarquer, attrapant sa main pour l’attirer lentement vers la chambre. Je me foutais bien que notre peau soit encore humide de cette douche, elle ne serait probablement pas la première qu’on prendrait ce soir et notre lit avait bien d'autres soucis à se faire que de devoir supporter un peu d’eau.

Guidant Jake, je revenais au contact de sa bouche pour le pousser doucement à s’asseoir sur le bord du lit.

"Tu es terriblement sexy quand t’es soumis" taquinais-je en sachant très bien ce que ces paroles réveillerait chez lui.

Mais je fis mine de n’y accorder aucune importance, d’être assez naïf pour croire que tu serais trop faible pour me retourner ces paroles d’une façon ou d’une autre. M’allongeant nonchalamment à tes côtés, les yeux clos, ma langue humectant mes lèvres comme si je cherchais à faire perdurer le goût de sa luxure dans ma bouche.  

Bientôt, il serait mien, bientôt je serai sien et pourtant tout ceci semblait n’être que formalité. Nous nous étions lié l’un à l’autre il y a tellement longtemps, c’était fou au final qu’on ne se soit pas marié bien avant tout ceci, qu’il nous ait fallu un tel merdier pour juste admettre l’évidence. Nous étions incapable de respirer sans l’autre. J’étais incapable de me sentir complet et vivant sans lui.

Je ne pouvais m’empêcher de sourire en l’entendant, à demi-fâché, la voix rauque et grondante mais un sourire qui venait définitivement balayer toute sensation qu’il puisse réellement être en colère contre lui. Nous avions beau apprécier le sexe en colère, aujourd’hui était trop important pour se permettre de se laisser aller à la rage et à ses implications. Aujourd’hui, je voulais simplement l’aimer malgré mes provocations et de toute évidence, Jake l’avait comprit et semblait être sur la même longueur d’onde que moi.

Appréciant le calme de l’instant, je regardais un moment le plafond avant de fermer les yeux, me laisser aller dans une semi-conscience, bercé par les sensations de pleinitudes. Je me sentais entier, je me sentais moi-même et j’avais l’impression de pouvoir à nouveau respirer, d’être enfin sorti de l’épais brouillard dans lequel je me trouvais jusqu’à aujourd’hui. Je fus surpris, par un baiser auquel je ne m’étais pas attendu et pour lequel je répondis avec la même tendresse. Mes bras venant s’enrouler autour des épaules de Jake pour l’attirer un peu plus contre moi et sentir sa peau nue contre la mienne.

Ce ne fut pas la seule surprise. Après la tendresse, suivi des excuses.

Cela me coupa le souffle et je ne su quoi répondre alors qu’il précisait ses propos. Désolé et merci...J’étais dérouté, un peu perdu dans ces mots. Je m’y étais pas attendu et si on m’avait prévenu à l’avance, je n’y aurais pas cru. Pressant ma joue contre sa main, mon pouce et mon index vinrent chercher son menton, l’invitant à me rejoindre, à m’embrasser encore une nouvelle fois. Combien de fois arriverait-il à faire en sorte que je tombe amoureux ? Cette sensation de coeur battant la chamade, de ventre étrangement et agréablement noué...Chacun de ses mots étaient vraie, c’était un tueur, un prédateur, et je passais le plus clair de mon temps à simplement ignorer cette part de lui parce que j’avais bien plus besoin de son amour et de l’aimer que de m’inquiéter pour ma propre conscience.

Ce soir ne fit pas exception.

"Tu es plus que ça..." murmurais-je contre ses lèvres, grignotant celle-ci à coup de petit baiser tendre alors que mes mains retrouvait le contact de son dos, dévalant l’échine dorsale pour le plaisir d’en deviner les courbes sous mes doigts.

"Tu es tellement plus que ça Jake..."

Et j’y croyais. Sans pouvoir vraiment le définir, j’y croyais, dur comme fer.

"Je crèverais si nous étions à nouveau séparé. Je supporterais pas de te perdre à nouveau et si je le pouvais, je t’attacherai à ce lit pour m’assurer que plus rien d’autre ne t’arrive."