Cette affaire le rendait dingue et il voulait absolument la résoudre. Pour ce faire, il lui fallait d’abord repasser tout ce qu’ils avaient en revue. Et ce ne serait pas de tout repos. Il avait donc demandé de l’aide à la jeune femme qui avait accepté de chercher les dossiers pour lui. Mais alors qu’ils étaient installés, Gabriel remarqua qu’elle le regardait sans doute un peu trop. Evidemment, lorsqu’il l’interrogea à ce propos, elle nia les faits. Mais il n’était pas dupe. Il avait bel et bien vu ses regards sur lui. Pourtant, il n’avait pas l’impression d’avoir agi de façon suspecte ou quoique ce soit. Il était juste là pour récupérer des dossiers, rien d’autre. Mais peut-être se faisait-il des idées. Le temps passé avec tantôt la Coalition et tantôt la Rébellion l’avait sans doute rendu un peu parano. Il devait être sur ses gardes en permanence, faire attention à ne pas commettre d’erreur qui pourrait éveiller les soupçons et mettre la puce à l’oreille de l’un ou l’autre camp. C’était usant, épuisant, mais il devait aller au bout.
La voix de la jeune femme le fit revenir à la réalité. Elle avait trouvé ce dont il avait besoin. Il lui adressa un petit sourire et jeta un œil sur l’écran. « C’est bien ça. Merci beaucoup ! » Elle finit par lui laisser sa place et il s’installa donc sans plus attendre, commençant à ouvrir les différents fichiers pour les imprimer. Oui, il était parfois vieux jeu et aimait avoir certaines choses sur papier. Quitte à ce qu’on se moque de lui. Il s’en fichait pas mal.

Concentré, il n’avait pas tout de suite remarqué qu’ils avaient de la compagnie. Ce ne fut qu’en entendant la voix de son meilleur ami et coéquipier que Gabriel leva les yeux de l’écran. « C’est inspecteur Park, s’il te plaît ! » Il le charriait, même si Alexander débarquait comme ça, comme une fleur, et s’adressait à lui de façon bien trop familière en présence de quelqu’un d’autre. « Tu as oublié tes bonnes manières, ce matin ? » Il fronça les sourcils, puis se tourna vers Taylor. « Puisque monsieur semble avoir oublié toutes les règles de bienséance… voici l’inspecteur Hwang, mon partenaire. » Ils étaient sans doute un cliché ambulant, tous les deux. Un peu. « Qu’est-ce que tu fais là ? Je te manquais à ce point ? Ta Karen t’a enfin lâché ? » Il lâcha un petit rire avant de reprendre un air plus sérieux. Ce n’était pas le moment. « Est-ce que le lieutenant Anderson vous a parlé de cette affaire, Miss Wynter ? Peut-être avez-vous des informations qui ne figurent pas encore dans l’un de ces fichiers ? » Elle n’avait pas l’air très au courant lorsqu’il avait demandé les dossiers, mais on ne savait jamais. Peut-être que quelque chose lui était revenu. « Alex ? J’ai envie d’un café. Va me chercher un café. Tu me dois bien ça après nous avoir interrompus de la sorte. Et ramènes-en un pour Miss Wynter aussi, si elle en veut. » Vengeance. Gentille vengeance.

Décidément, c’était à se demander si Alexander pouvait vivre sans lui, à le coller en permanence. En réalité, cette pensée fit doucement sourire Gabriel. Ils adoraient se charrier et ils s’adoraient tout court. Ils n’étaient pas meilleurs amis pour rien. Toutefois, leur comportement pouvait parfois exaspérer leur entourage, c’était un fait. Il aurait seulement aimé que son ami et partenaire se montre professionnel ici. A croire que c’était trop lui demander étant donné qu’il était arrivé comme une fleur, sans même réellement saluer la jeune femme aux côtés de Gabriel. Ce dernier demanda d’ailleurs à cette dernière si elle avait d’autres informations concernant cette affaire. « Ce n’est pas grave ! D’ailleurs, si jamais je peux vous aider avec quoique ce soit, n’hésitez pas ! » Il lui adressa un petit sourire, ignorant totalement Alexander et ne semblant se rappeler de sa présence qu’une fois qu’il lui demanda d’aller leur chercher un café. La jeune femme déclina, mais Gabriel y tenait. Non pas que le café ici soit très bon, mais c’était avant tout pour embêter son ami et le faire passer pour son larbin. Pourquoi ? Eh pourquoi pas ? Ça l’amusait. Il n’avait d’ailleurs pas cru que l’autre accepterait comme ça, sans rouspéter. Il y avait anguille sous roche là, non ? Bah…pourquoi toujours penser à mal ?  « Merci, mon brave ! T’en fais pas, je t’achèterai du jambon pour te remercier et te rappeler ton affaire si passionnante ! » Il rit doucement avant de reprendre un air plus sérieux. Il ne devait pas oublier qu’il était là pour travailler et pas pour faire découvrir son duo comique avec Alexander.

Pendant que son partenaire partit chercher le café, Gabriel termina d’imprimer les pages dont il avait besoin. « Merci beaucoup ! Ça va certainement nous aider. » Il adressa un petit sourire à Taylor, alors qu’Alexander revenait déjà avec son café. « Merci ! Comme quoi, tu peux encore servir à quelque chose, de temps en temps. » Ouch. Il était évident qu’il ne dirait pas ça à tout le monde. Alexander s’adressa à son tour à la jeune femme et pendant ce temps, Gabriel porta le gobelet à ses lèvres, après avoir reculé un peu. Et là, ce fut le drame. Le goût du café était infect. On ne pouvait même plus appeler ça du café ! Et il recracha ce qu’il venait de boire…sur la pauvre Taylor. Alexander, fourbe qui s’était un peu planqué derrière la jeune femme, s’en sortit malheureusement indemne. « Ah ! Mon Dieu ! Je suis désolé ! Ça va ? » S’excuser était plus important que s’énerver sur son partenaire, là, tout de suite. Même si ça ne tarda pas lorsqu’il foudroya l’autre crétin du regard. « Tu trouves ça drôle ? Je te préviens, c’est toi qui paieras le pressing à Miss Taylor ! » Ils faisaient une belle brochette d’idiots, ces deux-là. Comment Taylor pourrait-elle encore le prendre au sérieux après ça ?

Désespérant. Voilà comment Gabriel qualifierait Alexander à cet instant. Et pourtant, cet idiot était bel et bien son meilleur ami et coéquipier. Heureusement qu’il savait se montrer sérieux quand la situation l’exigeait, sinon bonjour les dégâts ! En attendant, il se faisait vraiment passer pour un débile auprès de Taylor et d’autres potentiels témoins. D’ailleurs, heureusement pour Gabriel, Taylor avait tout de suite deviné ce qui s’était passé et au lieu d’en tenir rigueur à Gabriel, elle fit quelque chose de très inattendu. En effet, elle versa tout simplement le reste du café infect sur Alexander. L’inspecteur observa la scène d’un air incrédule avant de finalement éclater de rire. C’était joyeux au commissariat, de bon matin ! A croire qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que de jouer aux idiots et de rire comme des gamins. Enfin, c’était surtout Gabriel qui riait, là. « Ahaha ! Tel est pris qui croyait prendre ! Ça t’apprendra ! » Il se moquait ouvertement de son ami et leva un pouce en direction de Taylor en signe d’approbation. « Prenez votre temps. Et…bien joué ! » Très bien joué, même. Mais c’était sans compter sur Alexander qui voulait sans doute que Gabriel ne se sente pas seul à ne pas être couvert de café. Alors, ce crétin commença à se frotter contre lui. Sérieusement ? « Hé ! Dégage, idiot ! » Il repoussa le jeune homme en grimaçant. Quel idiot, mais quel idiot ! « Rappelle-moi pourquoi je te supporte ? » Et il obtint un « je t’aime » en guise de réponse. Mais bien sûr. Gabriel leva les yeux au ciel et soupira un grand coup. Il puait le café aussi maintenant. C’était moins pire que les deux autres, mais tout de même.

En attendant, le calme était revenu et il en profita pour réimprimer les papiers qu’il avait fallu jeter. Bonjour le gaspillage ! Taylor n’étant toujours pas en vue, il lui colla un post-it sur son écran. « Désolé pour ce qui s’est passé. Mon coéquipier peut parfois être très puérile. Je ferai en sorte qu’il vous paie le pressing et je vous paierai un vrai café, la prochaine fois. Loin de l’autre idiot. J’ai réimprimé ce dont j’avais besoin. Merci encore pour votre aide. » Oui, il n’avait pas peur d’afficher ce genre de message. De toute façon, la jeune femme ne tarderait probablement pas à revenir à son bureau. Attrapant ses petites feuilles, il quitta donc le bureau pour retourner au sien. Non sans faire un détour par le vestiaire pour changer de chemise. Heureusement qu’il en gardait toujours une de rechange !