It's time to make a deal

Vingt-deux jours que le rouquin moisissait dans sa cellule de fortune, avec à peine de quoi tenir. Manger ? Mouais, ça n'avait aucun goût mais s'il ne voulait pas crever d'inanition... Il était bien obligé d'avaler ce qu'on lui donnait par dépit. Dormir ? Ses voix hurlaient si fort qu'il en perdait le sommeil parfois. Discuter alors ? Voilà qui devenait plus intéressant. Samuel n'en pouvait plus de ses rires douteux, de ses phrases alambiquées et de ses questions incessantes. Parce qu'il prenait un malin plaisir à jouer sur ses nerfs, à le pousser à avouer l'inavouable sur sa condition de prisonnier... Un véritable florilège ! Il s'amusait si bien... Mais c'était sans compter l'intervention inattendue des sbires de la salope en chef !

▸Salut les gars ! C'est gentil de passer m'voir !

Ces androïdes n'avaient pas envie de lui parler. La porte de sa cellule claqua contre les barreaux lorsqu'il fut extrait de son lit sans ménagement. Trimballé par les poignets vers la sortie, il fut traîné dans un couloir menant au seul endroit que tout le monde redoutait : la salle des tortures. Une pièce bien glauque où le sol ressemblait à un patchwork macabre. Merci toutes ces tâches de sang ! Ça le faisait rire, mais pas longtemps. Car la cheftaine de la Rébellion se tenait devant lui, exhortant ses pantins à quitter la salle pour lui laisser le loisir de s'en prendre à lui. Mais il y avait quelque chose d'anormal...

▸Pourquoi j'suis pas attaché ?

Cette simple question lui valut son poing dans la tronche au rouquin. Celui-là, il ne l'avait pas vu venir ! Sa tête partit sur la gauche, sa mâchoire s'en retrouvait inéluctablement meurtrie par la violence de ce geste qu'il n'avait pas mérité cette fois-ci. Il devrait se taire Owen, mais ses paroles dépassaient toujours ses pensées, c'était plus fort que lui.

▸On peut savoir à quoi tu penses North ?

▸Ferme-là Owen !

Oh ! Elle aussi ne supportait plus qu'il l'ouvre on dirait... Il lui souriait pourtant, comme pour approuver ce qu'elle venait de lui ordonner sans prendre de pincettes. Il est vrai que les ragots à son sujet allaient bon train partout. Qu'elle était une vraie peau de vache avec tout le monde, pire avec les corrompus à son service. Pour le peu qu'il y en avait, bien entendu. Elle le dévisageait la brunette, sans aucune retenue, comme si elle venait vérifier la marchandise avant de savoir quoi en faire. N'importe qui se sentirait gêné face à ces méthodes. Owen et bien... Admettons qu'il prenait plaisir à lui rendre la pareille, même s'il était en position de faiblesse.

▸Je prends un malin plaisir à observer ce qui se passe dans les cellules de chacun de mes prisonniers. Moi qui espérait leur insuffler la peur... Il semblerait qu'un petit fouineur envahissant fasse le travail à ma place. Et ça me contrarie...

Elle tournait autour de lui, sans cesser de le garder à l'œil. Et même s'il espérait pouvoir quitter cette pièce par le plus grand ses hasards, la relève gardait cette porte. Autant dire qu'il était pris au piège ! Non, il se marrait le bougre, constatant à sa plus grande surprise qu'il était parvenu à la faire chier du fond de sa cellule. Est-ce qu'il allait seulement s'en vanter ?

▸Si tu savais tout c'que j'sais de mes copains d'cellule...

Oui... Et en plus il était stupide. Parce que North avait repris sa place initiale, et qu'à l'annonce trop brusque de ces mots, elle se dépêcha de remettre les compteurs à niveau en lui collant un autre coup de poing. Du côté droit cette fois-ci, histoire qu'il ait les deux yeux au beurre noir. Folle de rage, elle dégaina un couteau et le positionna à-même sa gorge.

▸Donne-moi une seule raison de ne pas te trancher la gorge !

Sa vie ne tenait qu'à un fil, mais il ne semblait pas vouloir le prendre en compte, comme s'il voyait cette menace comme un jeu. Comme d'habitude, il ne prenait rien au sérieux, parce que ça le faisait profondément chier de se comporter comme un adulte. Il n'était en rien responsable, de quoi que ce soit, mais cette fois il avait la ferme intention d'abattre toutes ses cartes en une seule fois.

▸Tu l'as dit toi-même, j'suis un p'tit fouineur qui sait tout c'qui se passe dans la tête des prisonniers. Laisse-moi m'en charger pour toi. T'as tellement à faire North, j'm'en voudrais de t'voir perdre ton précieux temps alors que j'peux savoir tout c'qu'il te faut pour tes p'tites affaires...

La déviante enragée eut un mouvement de recul. Son visage se transforma tout à coup. Il n'y avait plus de la rage, ni même un soupçon de colère. Elle se marrait en fait ! Comme si Owen lui avait sorti la plus grosse blague de tous les temps. Ben quoi ? Qu'est-ce qu'il y avait de drôle dans sa proposition ?

▸Toi ? Jouer les espions pour moi ? Ah ! Laisse-moi rire.

Un fou-rire. Le rouquin n'en croyait pas ses yeux. La cheftaine de la Rébellion, parfaite petite salope du genre, se bidonnait de rire sous son nez. Elle avait baissé sa garde, mais en gardant le couteau fermement dans sa main. Là non plus, ce n'était pas sage de tenter de fuir. Alors Owen l'observa, tout simplement, prenant des notes sur ses réactions. Mais l'ennui, c'est que ça ne dura pas plus d'une minute, avant qu'elle ne reprenne son sérieux et ses menaces.

▸Tu sais que tu joues à un jeu dangereux Owen ?

▸Aucune importance, j'ai rien à perdre. Et toi ?

L'androïde s'avança vraiment très proche de lui, sondant dans son regard la moindre once de mensonge qui pourrait planer. Il n'en était rien, parce qu'il disait l'unique vérité. Personne ne l'attendait dehors, son utilité côtoyait les rats de cette ville, et il ne s'en cachait pas. Il y eut de longues minutes, insoutenables, pendant lesquelles la brunette réfléchissait à tout ce que cela représentait de donner sa confiance à un humain de son style. Et puis, finalement...

▸Très bien... J'accepte de te voir à l'œuvre. Prouve-moi que je n'ai pas eu tord de t'accorder un minimum d'intérêt. Et si tu es efficace, je saurai te le rendre. Maintenant... Hors de ma vue !

Les sbires de North revinrent le chercher de la même manière qu'à l'aller, sans une once de délicatesse. Sans se donner la peine de saluer l'affreuse qui avait cédé à la tentation de lui laisser un peu plus de liberté dans sa cellule qu'il s'apprêtait à revoir sous peu. Le message était très clair. Il devait faire ses preuves. Quoi de mieux que Samuel pour s'exercer en beauté ?